Hollande, la bulle et le photographe
On connait la scène devenue culte d’un Nicolas Sarkozy sur son cheval et la meute des journalistes entassés sur la remorque d’un tracteur. On connait moins le lot des photographes tenus de couvrir l’actualité politique et donc les déplacements présidentiels. Le photographe de Libération, Sébastien Calvet, nous en donne un récit sur son blog où il raconte la visite d’un mini-salon de l’agriculture à Cournon d'Auvergne. Rien à voir avec le salon parisien où les présidents viennent serrer les mains et tâter le cul des vaches. Là, raconte le photographe, "on a l'habitude de l'agriculture, de l'élevage, des pieds dans la terre et les mains au travail... et on veut le faire savoir. L'arrivée des citadins que nous sommes attire sarcasmes et regards noirs. La critique est peut être justifiée, nous ne restons encore une fois que quelques heures, repartirons aussi vite que nous envahissons la salle de presse". |
Calvet ne fait pas partie du pool presse constitué par l’Elysée – les journalistes du pool sont identifiés par des chasubles rouges – mais le photographe est connu de l’entourage de Hollande et pourra donc s’approcher de la bulle du président. La bulle ? C’est "cet espace imaginaire que forment autour du politique les hommes de la sécurité afin de lui préserver de l'air et la possibilité de discuter librement avec ceux qui le veulent ou sont autorisés à le faire". De fait, le photographe va devoir jongler avec cette bulle le temps de cette visite éclair.
Calvet peine à photographier, il se fait éjecter de la meute car il ne porte pas la chasuble rouge. Il entend les insultes qui fusent. L’ambiance est tendue. Hollande se fait siffler, il prend sa tête des mauvais jours. Puis tout se brouille : "Hollande ne voit plus rien. Hollande entend trop les cris, les sifflets. Il marque le coup. […] Le politique se tient encore plus droit. Il serre les lèvres. Il entrelace les doigts, cherche du regard un interlocuteur qui le ferait passer à autre chose". Enfin le cortège du président quitte le hall du salon, tout redevient calme. Plus tard, Hollande fera son traditionnel discours introduit par ses hôtes. En attendant son tour, "Hollande respire, se rejoue la scène. Il joue avec ses mains, les triture. Il regarde en bas, sur les côtés. Il réfléchit. Je me doute qu'il analyse ces heures passées à se faire insulter. Nous sommes quelques photographes à enregistrer ses gestes évocateurs. Un instant, il regarde en l'air en se remontant la cravate. Elle maintient le corps qui, malgré la bulle, a pris des coups. Nos déclenchements à ce moment là m'ont parus obscènes".
© Sébastien Calvet
Une meute, les journalistes ? L'occasion de découvrir le reportage moutonnier derrière Montebourg réalisé par l'éconaute l'hiver dernier.
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