Tortures au Bataclan ? Des rumeurs démenties par la justice
Tout commence avec la publication le 5 juillet dernier d'un rapport de la commission d'enquête consacrée aux moyens de l'Etat pour lutter contre le terrorisme. Georges Fenech, président de la commission, cite "la copie d'une lettre du père d'une des victimes". Père anonyme, à qui une source à l'institut médico-légal de Paris aurait fait des révélations à propos de la mort de son fils. "On lui avait coupé les testicules, on lui avait mis dans la bouche, il avait été éventré."
Ces déclarations semblent concorder avec des rumeurs nées au lendemain du 13 novembre. Des témoins, cités par exemple par Slate, affirmaient avoir entendu des gens hurler "comme s'ils étaient torturés". Par ailleurs, un policier de la BAC, anonyme lui aussi, avait parlé de personnes "décapitées, égorgées, éviscérées". Des faits qu'il n'avait pas pu constater lui-même, se trouvant à l'extérieur, mais qui lui auraient été rapportés par un collègue.
Il n'en fallait pas plus pour que la rumeur se répande. Elle a initialement été lancée le 13 juillet sur le site anti-israélien Panamza (bien connu des @sinautes), avant d'être reprise sur le site ultra-nationaliste breton Breiz Atao le 14 juillet.
Le lendemain, 15 juillet, le Daily Mail affirme carrément que le gouvernement français "a empêché les médias de parler des faits de torture" sur certains otages. Le New York Post et le Washington Times reprennent ces affirmations le jour même. Le 16 juillet, c'est au tour de Russia Today (dont @si vous parlait ici) de reprendre la rumeur en dénonçant une "campagne médiatique d'intimidation contre la diffusion des images et des rumeurs". Hier, 18 juillet, c'est finalement un média français qui reprend l'information : le très conservateur Valeurs Actuelles.
François Molins a démenti tout acte de barbarie ou utilisation d'arme blanche
Problème : les déclarations du soi-disant père d'une victime ont été démenties par les légistes. Plus loin, dans le même rapport de la commission d'enquête, le préfet de police de Paris Michel Cadot est d'ailleurs très clair : "Je ne dispose pas de cette information et, si ces faits avaient été établis, je pense qu'une telle information ne m'aurait pas échappé." Idem pour le procureur de Paris François Molins, qui a démenti dans son audition par la commission d'enquête tout "acte de barbarie ou utilisation d'arme blanche" au cours de l'attaque, comme le rapportent les Décodeurs du Monde. Enfin, les autopsies confirment qu'il n'y a eu aucune mutilation volontaire de corps. En revanche, les explosions et les tirs d'armes automatiques ont pu entraîner des blessures donnant l'impression de torture physique.
La plupart des articles sont toutefois toujours en ligne.
Mise à jour du 19 juillet à 19h : A la demande d'avocat de victimes, l'article de Valeurs Actuelles a été supprimé
Mathieu PAPION
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