Agressions sexuelles : journalistes aussi (CPJ)
de puissants tabous culturels et professionnels" bloquent la médiatisation de ces cas, constate Lauren Wolfe, qui raconte, sur le site de l'ONG Committee to Protect Journalists (CPJ, basée à New York), le combat de journalistes qui tentent de briser ce tabou.
L'enquête publiée le 7 juin par le CPJ a été déclenchée par l'agresssion sexuelle subie par Lara Logan, correspondante de la chaîne américaine CBS au Caire, en février 2010. Le témoignage de la journaliste a apparemment libéré la parole de certains journalistes. "C'était très courageux de sa part d'en parler publiquement, raconte une photojournaliste. Elle nous a donné à tous beaucoup de courage de parler ouvertement et franchement, parce que nous ne l'avions pas fait auparavant. Les choses ont certainement changé." Pendant quatre mois, la journaliste américaine a tenté de rassembler les témoignages de consoeurs (mais aussi de confrères). Sa tâche n'a pas été facile: les journalistes qui ont "été violés ou agressés sexuellement" ne voulaient pas "le révéler en raison des tabous culturels et professionnels." |
Un tabou règne dans le métier : "Beaucoup ont été réticents à signaler une agression à leurs rédacteurs en chef de crainte qu'ils ne soient perçus comme vulnérables et se voient refuser des missions futures," explique l'article.
Le CPJ a interviewé plus d'une quarantaine de journalistes. "Parmi ceux-ci, figurent 27 journalistes locaux, allant de rédacteurs en chef aux reporters de terrain (...). Cinq ont déclaré avoir été sauvagement violés, tandis que d'autres ont indiqué des niveaux différents d'agression sexuelle, de harcèlement physique agressif et de menaces de violence sexuelle. Un éventail d'expériences similaires a été rapporté par 25 journalistes internationaux. Deux d'entre eux ont déclaré avoir été violés; cinq autres ont fait état de graves abus sexuels." Ces agressions ont pour la plupart eu lieu au cours de ces cinq dernières années.
Des femmes, mais aussi des hommes agressés
L'origine des agressions varie selon les situations : "Les agressions sexuelles ciblant spécifiquement des journalistes, souvent en représailles pour leur travail ; la violence sexuelle liée à des mouvements de foule, dont sont victimes des journalistes couvrant les événements publics, et les abus sexuels des journalistes en détention ou en captivité."
Beaucoup de femmes sont pelotées lors de grand rassemblements. "Là où j'ai été le plus tripotée, c'était lors des funérailles d'Arafat», explique la photojournaliste indépendante Stephanie Sinclair. "J'ai été tripotée un millier de fois. C'était horrible. Tout le monde disait que c'était l'événement le plus difficile qu'ils aient jamais couvert. C'était horrible d'être tripotée comme ça, sur chaque partie de mon corps."
"Bien que les femmes constituent la grande majorité des victimes dans l'ensemble, les journalistes de sexe masculin ont également été victimes de ces abus, le plus souvent en captivité ou en détention," indique l'article. Il reprend le témoignage de Umar Cheema, journaliste politique pakistanais, qui travaille pour le journal de langue anglaise The News, enlevé en septembre 2010. "Alors que j'étais déshabillé et torturé, ma tête baissée et mes yeux complètement bandés, le chef de la clique à ordonné à un de ses camarades de m'agresser sexuellement." Il a été sodomisé avec un baton en bois. "Dix minutes après, j'étais libre. J'ai commencé à penser à ce que je devais faire." Il a raconté publiquement son expérience, notamment au New York Times.
La journaliste Lauren Wolfe tient un blog (en anglais) sur les agressions sexuelles sur le site du CPJ.
(Par Aziz Oguz)
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