Couvrir un procès en direct sur le net : légal ?
Le live blogging est-il destiné à se généraliser lors des procès ? Ou la loi peut-elle empêcher qu'une telle pratique s'installe ? En se fondant plus précisément sur le cas de Twitter, jugedadouche considère que, si d'un point de vue légal, la prise d'image et de son pendant les audiences publiques est interdite, rien n'empêche en revanche le live-tweet (LT) car "on peut utiliser tous les supports écrits pour prendre des notes, même si on les diffuse immédiatement". Une interprétation que ne partage pas Bip_Ed, qui cite la loi du 29 juillet 1881 interdisant "l'emploi de tout appareil permettant d'enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l'image". Selon ce magistrat, le LT tombe sous le coup de la loi si l'on considère qu'il "consiste à reproduire la parole, et de permettre en temps réel de diffuser en temps réel cette parole". |
Avec une telle interprétation de la loi de 1881, un juge peut donc interdire le LT ou faire couper tous les téléphones dans la salle. A ce jour, aucun magistrat n'a empêché la diffusion de texte pendant une audience, même lors du procès de Jérôme Kerviel en juin, où la question avait fait débat et créé un malentendu.
Au-delà de son statut légal, le LT et le blogging en direct posent des questions déontologiques à ces deux magistrats. jugedadouche dit se méfier "de tout ce qui prétend "retransmettre" une audience, ce qui est strictement impossible même en filmant puisqu'il y aura toujours un point de vue, ce qui est différent pour moi du fait d'en "rendre compte", qui suppose un travail journalistique d'analyse et de mise en perspective, même minimal". Le problème reposerait moins sur l'aspect "temps réel" que sur le contenu. Pour la magistrate, tweeter "des instants d'audience qui ont une signification particulière, une situation marquante, une phrase révélatrice" est préférable à une retranscription intégrale de l'audience sur un blog, qui peut conduire à la "dérive" suivante : le lecteur serait mis "en position de penser qu'il peut se mettre à la place du juge". Bip_Ed quant à lui, est plus simplement "opposé à une généralisation d'un tel dispositif" et considère qu'il serait plus prudent de laisser le choix d'une telle diffusion au président d'audience. Le magistrat insiste néanmoins sur le caractère démocratique d'une telle pratique, qui pourrait permettre au citoyen de mieux connaître le fonctionnement de la justice.
En 2009, nous consacrions une Ligne Jaune au procès Courjault, en son temps live blogué par le quotidien régional, La Nouvelle République, et nous nous posions la question de savoir s'il s'agissait d'un progrès, ou d'un simple voyeurisme...
(Noëmie Le Goff)
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