Twitter / Facebook : faux comptes "Clément Méric" poursuivis ?
60 000 fans ont "aimé" la page Facebook "RIP Clément Méric" avant de la détester. Alors que ses auteurs publiaient d'abord des messages appelant à la lutte contre le "péril extrêmiste" et s'associaient à d'autres groupes contre l'homophobie notamment, la surprise a été grande ce week-end quand le compte s'est avéré être un faux (ou habilement piraté). En quelques minutes, les photos de couverture et de profil étaient changées, ainsi que l'objet du groupe. Il était désormais question de François Noguier, étudiant de 22 ans dont l'agression le 1er juin à Châlons-en-Champagne est depuis récupérée par plusieurs sites d'extrême droite, sur le thème de l'inégalité de médiatisation entre meurtres prétendument comparables. Décédé des suites de ses blessures trois jours plus tard, l'étudiant avait été violemment frappé au visage lors d'une soirée étudiante alcoolisée, raconte le journal local L'Union, qui cite le procureur de Châlons qualifiant le motif de "broutille", possiblement une histoire de cigarette.
Un faux compte Twitter a également été créé. Les deux faux comptes, signalés à Twitter et Facebook, sont supprimés dans la journée de samedi. La page affichait samedi des messages qui reprenaient le vocabulaire de l'extrême droite |
Le twittos/avocat Maître Eolas estime que la création de ces comptes est constitutive d'un délit. Il cite l'article 226-4-1 du Code pénal (LOPPSI 2) qui dispose que "le fait d'usurper l'identité d'un tiers en vue [...] de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende". L'article précise également que "cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu'elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne". Cet argument a été repris lundi matin sur France Info par Najat Vallaud-Belkacem qui, sur la même base, a invité "les proches, la famille de Clément Méric, à intenter une action en justice pour faire cesser cela".
L'identité des auteurs n'étant pas connue, la famille devra, si elle le souhaite, porter plainte auprès du procureur de la République et éventuellement se porter partie civile si celui-ci n'engage pas de poursuites. Il est à noter que le procureur de la République pourrait s'auto-saisir en l'absence de plainte de la famille.
Mais cette plainte implique plusieurs difficultés. Tout d'abord, "la rédaction du texte pose problème" indique Maître Eolas joint par @si, expliquant que "l'identité d'un tiers" ne s'applique qu'à une personne vivante, d'un strict point de vue jurique. "A ma connaissance ce texte n'a encore jamais été appliqué, il appartient donc au juge d'exercer son pouvoir d'inteprétation. Le texte renvoie à la diffamation, or la jurisprudence admet de façon constante qu'elle s'applique à des personnes décédées" détaille l'avocat. Deuxièment, l'identification des auteurs va poser problème. "Twitter, en particulier, ne revèle pas facilement l'identité des auteurs de contenus jugés illégaux. La société, basée en Californie, est peu encline à répondre à des injonctions d'un juge français et rechigne à toute demande de la police", explique Maître Eolas. Dans l'absolu, il faudrait que le parquet français saisisse un juge californien. Une procédure lourde qui a vraisemblablement peu de chance d'aboutir, même si l'avocat estime qu'il sera "compliqué, mais pas impossible de retrouver les auteurs".
Par Vincent Coquaz
L'occasion de revoir notre émission consacrée à la médiatisation de l'extrême droite, mais aussi de lire notre reportage à Sciences Po au lendemain de la mort de Clément Méric.
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