Et mon ombre se déshabille...
On interroge un jour Aragon sur Léo Ferré, sur le sans-gêne de ce chanteur adaptateur, qui a trituré, remodelé, reconstruit, un poème tiré du recueil Le
Roman inachevé
, Bierstube magie allemande
, pour en faire le tube "Est-ce ainsi que les hommes vivent ?"
"Et vous acceptez ça ?"
demande à Aragon l'intervieweur, qui surjoue un peu l'indignation. "Pourquoi est-ce que ça me gênerait ? Ca m'apprend énormément sur mes poèmes",
répond le vieux poète. Qui pressent que c'est grâce à Ferré, Ferrat, Ogeret, Morelli, et quelques autres, qu'il gagnera son billet pour la postérité. Et ajoute : "Il est certain que dans mes poèmes plus récents, peut-être pourrait-on trouver une influence en retour de la chanson, telle que Léo Ferré la comprend"
.
C'est Rebecca Manzoni qui exhume cette archive de l'interview d'Aragon. Elle l'insère ce matin dans son Tubes & Co
de France Inter sur la chanson de Ferré. "Je l'ai écoutée cent fois, et 80 fois je n'y ai rien compris"
avoue-t-elle. Aveu d'incompréhension qui fait joliment écho à celui d'Aragon, d'ailleurs, dans le même texte. La pièce était-elle ou non drôle / Moi si j'y tenais mal mon rôle / C'était de n'y comprendre rien.
(Aveu pour aveu, d'ailleurs, je n'ai moi-même jamais su trancher dans le double sens de Pour un artilleur de Mayence / Qui n'en est jamais revenu
).
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