Islamophobie, viol : on s'en fout, de ce qu'ils disent !
Un homme dit "J'ai violé ma copine"
. Il ne dit pas "oui, mais c'était ma copine"
. Il ne dit pas "elle était consentante"
. Il ne dit pas "elle est revenue le lendemain"
. Il ne dit pas "son non voulait dire oui"
. Il ne dit pas "les filles voulaient être violées"
. Il ne dit pas "ce n'étaient que des bisous dans le cou"
. Il dit "je l'ai violée"
. On pourrait tout à fait considérer que cette parole publique, la parole du criminel qui reconnaît le crime, est un progrès collectif, dans une perspective de réinsertion individuelle, et de dissuasion masculine collective - sans préjudice de l'éventuel procès ultérieur, bien entendu.
Pourquoi alors des féministes, aussitôt, explosent-elles de colère sur Twitter, à propos de ces articles de Libération
? Bien entendu, il y a les maladresses de Libé
dans la publication. Une publication le 8 mars. Une mise en page sensationnaliste, à la Une. Un texte publié sans l'appareil critique nécessaire, analysant les récurrences du discours du violeur. Le texte lui-même, narcissique, boursouflé, se cherchant des excuses. Mais tout cela ne suffit pas à expliquer la colère. Je demande, hier, à une amie féministe, une de celles qui ont explosé sur Twitter (oui, il m'arrive encore de parler pour de vrai à de vraies gens, avec l'aide de cordes vocales) : "Ce n'est pas un progrès, tout de même, qu'un violeur appelle le crime par son nom ?"
Réponse : "On s'en fout de ce qu'ils disent. Ce n'est pas le jour. #Metoo est encore trop récent. L'accueil de la parole des femmes victimes dans l'espace public est encore trop récent. On verra plus tard."
Et comme je lui objecte que dans des communautés autochtones (amérindiennes) du Québec, par exemple, des hommes violeurs sont incités à raconter, à s'expliquer, à des fins de réparation : "Ils sont plus avancés que nous".
Ce serait donc une question de timing ? Peut-être. Peut-être l'heure présente est-elle au "on s'en fout de ce qu'ils disent". Qu'est-ce d'autre, l'histoire de Sciences Po Grenoble (lire ce récit très complet du Monde
), qu'un "on s'en fout de ce que vous dites", à propos de la réalité ou non de l'islamophobie entre deux profs et une poignée d'étudiants, aggravé par l'horreur distancielle. Se parler, s'écouter, se répondre, rire ensemble de ses désaccords, ou de ses propres ridicules, à la Brétécher : ce luxe suranné !
A propos de Sciences Po Grenoble, des libertés académiques, des islamo-gauchistes à l'université, tout ça, Guillaume Erner recevait ce matin sur France Culture le professeur au collège de France, François Héran. "Oui, l'islamophobie existe"
, dit d'emblée le professeur. "Comme l'antisémitisme. Comme le racisme anti-blanc"
. Et, sacrilège, de renvoyer Erner à l'une de ses chroniques de Charlie
de l'an dernier (Erner chronique chaque semaine dans Charlie
), laquelle chronique, si j'ai bien compris, devait expliquer en substance que le combat contre le racisme individuel était plus utile, et plus efficace, que le combat contre les discriminations systémiques, du type, justement, islamophobie. Chose rare, un débat s'engage avec l'animateur qui, après un mouvement de recul -"on est sur France Culture!"
- ne le refuse pas. Un vrai débat. En invitant ce matin François Héran, Erner savait-il que son invité allait mettre en cause un de ses articles de Charlie
? Si oui, bravo. On a désespérément besoin de ces moments-là.
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