Mélenchon, et les victimes de Madoff
demande Pierre Weil, sur France Inter, à Jean-Luc Mélenchon. La veille, Madoff vient d'être condamné à 150 ans de prison, au terme d'un procès qui n'aura pas permis de retrouver le dixième des sommes parties en fumée. Pourquoi seulement 150 ans, d'ailleurs ? Pourquoi pas 300 ou 500 ? Mesquinerie de la Justice américaine.
"Que dites-vous aux victimes de Madoff ?" Quelle étrange question. Qu'attend donc le journaliste ? Un mot de compassion ? L'inévitable "pensée pour les victimes" ? Quelque chose du genre : "au-delà de nos divergences de philosophie, de pensée, de fortune sans doute, je souhaite dans cette circonstance tragique que tout soit mis en oeuvre pour que Justice soit rendue aux victimes de Madoff ?" Mais non. Ces victimes-là n'inspirent manifestement à Mélenchon aucune compassion. "Je ne suis pas moi-même victime de Madoff, et j'ignore ce que l'on ressent dans ces circonstances", commence prudemment Mélenchon, avant de rappeler qui sont ces "victimes" : des épargnants et des investisseurs, qui attendaient des rendements miraculeux à deux chiffres, et souhaitaient ardemment ignorer la manière d'y parvenir. Des co-responsables lointains et invisibles, donc, de la folie du capitalisme, et de l'augmentation, par exemple, de toutes sortes de maladies professionnelles. "Voilà de quoi est fait votre argent pourri" conclut Mélenchon, à l'adresse de ces "victimes" invisibles.
Cette mise au point n'empêchera sans doute pas une bonne partie de la presse mondiale de continuer de désigner ces épargnants et ces investisseurs abusés comme des "victimes" de Madoff, contraints même, pour certains d'entre eux, de survivre en fouillant les poubelles. Ces victimes-là rejoindront donc, du bon côté de l'Histoire, l'inépuisable cohorte planétaire des victimes d'épidémies, de sécheresses, d'inondations, du chômage, de la mondialisation ou de famines, dont la seule évocation médiatique est censée déclencher le réflexe pavlovien de la compassion.
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