OTAN : mais où est passé l'Anaconda ?
De ces manoeuvres militaires, qui ont commencé voici un mois, on peut lire un résumé sur ce site suisse. Le Monde, par exemple, s'est contenté d'une très brève revue de presse. Et pourtant, avec 30 000 soldats venus de tous les pays de l'OTAN, ce sont "les plus grandes manoeuvres conduites par l'OTAN en Europe centrale depuis la chute du communisme en 1989". En substance, il s'agit pour l'Alliance atlantique de se préparer à une situation éventuelle de "guerre hybride" menée par les Russes à la manière ukrainienne. Guerre hybride ? Mais oui, ces guerres qui ne disent pas leur nom, menées par des soldats sans insignes distinctifs, auxquels la presse occidentale et les experts télévisés en géopolitique ont trouvé un gentil surnom, depuis que les reporters les ont découverts en Crimée : les "petits hommes verts".
Que l'OTAN mène des manoeuvres d'intimidation, notamment contre les Russes, rien de neuf : elle est là pour ça. Qu'elle le fasse en Pologne, pour se prémunir d'une éventuelle tentative d'invasion de la Pologne, pourquoi pas ? Mais le plus intéressant, comme souvent, est l'incuriosité de la presse occidentale sur le sujet. C'est vrai : pourquoi donc parler des manoeuvres de l'OTAN ? Pourquoi donc analyser leur calibrage, proportionné ou non, leurs objectifs psychologiques et stratégiques, le message exact qu'elles envoient à la Russie ? Elles sont dans l'ordre des choses, ces manoeuvres. C'est une sorte de phénomène météorologique saisonnier. En aucun cas, elles ne sauraient constituer une "intimidation", une "gesticulation", une manifestation "d'agressivité". Ces mots-là sont réservés à l'ennemi (y penser toujours, sans jamais prononcer son nom) : Poutine. L'agresseur, c'est l'autre : éternité de la propagande de guerre.
Même aujourd'hui, alors que s'ouvre à Varsovie un sommet de l'OTAN, les manoeuvres Anaconda ont eu bien du mal à se faire une petite place dans les rares débats organisés sur le sujet par les quelques émissions méritantes ayant réchappé de l'invasion des petits hommes bleus. On a entendu passer le reptile sur France Culture, qui y consacrait sa Matinale ; on a cru l'entendre siffler sur le plateau, hier soir, de 28 Minutes sur ARTE, entre deux dénonciations de l'agressivité de Poutine. Pourtant, Dieu sait qu'il y en aurait, de belles couvertures à faire. Que veut l'OTAN ? Que cherche-t-elle ? Est-elle en voie de dislocation après le Brexit ? Logiquement, ces questions, ce sont les medias russes en langue française qui les posent (ces medias, on vous les présentait ici, là et là). Tout aussi logiquement, RT France avait été le seul media à consacrer un article à la mort d'un civil polonais au cours de ces manoeuvres. Parce qu'il faut savoir décentrer son regard, ce "soft power" russe en France, et la vision du monde qu'il diffuse, sera le sujet de notre émission de la semaine. Mise en ligne en fin de journée, comme d'habitude.
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