Remaniement, mon coming out
C'est un super boulot. En gros, il y a deux cas de figure. Dans les temps morts, entre deux réunions importantes, vous arrivez au micro, et vous soupirez que le PS n'a pas d'idées. Vous faites des phrases du genre : "le problème du Parti Socialiste aujourd'hui, c'est qu'il ne fait plus rêver, qu'il est en panne d'utopies mobilisatrices, on attend le grand souffle, les idées neuves, le projet alternatif, le retour de l'esprit de 81, il manque un Mitterrand, etc" (vous voyez, on ne manque pas de synonymes, je pourrais vous faire au moins dix chroniques sur le thème, sans aucune répétition). Et sinon, supposons que le PS, comme aujourd'hui, produise un texte dans lequel il propose la scolarisation obligatoire à quatre ans, la création d'un grand service public de l'eau, l'accélération de la construction de logements: là, c'est encore mieux. Vous arrivez au micro (comme Thomas Legrand ce matin) et vous déplorez l'absence de chiffrage, l'irréalisme, vous dénoncez le fourre-tout, le dogmatisme, l'idéologisme, de ces socialistes, décidément incorrigibles. Et pour couronner le tout, vous faites flinguer le texte en invitant l'aile droite du Parti (Collomb sur France Inter, Rebsamen sur RTL) qui vont se faire un plaisir d'expliquer que tout ça n'est pas sérieux. Un super boulot.
Sinon, il parait que le feuilleton du remaniement est sur le point de se terminer. Je veux faire ici mon coming out : j'étais devenu addict. Je retire tout ce que j'ai pu dire dans le passé. Je capitule. Le feuilleton du remaniement, c'est comme les dialogues d'Audiard : ringard sur le moment, culte quand c'est terminé. C'était le bon temps, le remaniement, vous vous souvenez ? Leurs crépages de chignon. Leurs coups bas. Leurs pétages de plombs quotidiens. Comme elles vont nous sembler fades, les matinées sans remaniement. Supplique : et si on créait un Deuxième Ministre ? C''est trop bête, de renoncer à un de ces deux talents, Fillon, Borloo, sous prétexte qu'il n'y a qu'un poste. Ou alors un truc en alternance, jours pairs jours impairs, comme le stationnement. Ou par quinzaine. Bref, les formules existent. Il faut savoir : on réforme, ou on se laisse vaincre par les pesanteurs constitutionnelles ?
Le Audiard du remaniement, c'était Charles Jaigu. Je vous ai souvent parlé de Charles Jaigu. C'est mon confrère du Figaro qui est en contact direct avec les fidèles de Sarkozy, ou les proches, ou les "habitués du sérail", ou les "visiteurs du soir", ou parfois même les "très proches". Avant, il écrivait avec Bruno Jeudy. Mais Jeudy est parti du Figaro. Donc, Jaigu garde seul la maison. Un bonheur pur. Hier, il prédisait que la fin du feuilleton pourrait être anticipée. Pourquoi ? Parce que Sarkozy, ainsi, pourrait "prendre tout le monde de vitesse". Sic. S'agissant d'un feuilleton qui dure depuis mars, Jaigu saluait un Sarkozy qui allait "prendre tout le monde de vitesse", en avançant le clap de fin du 22 au 15 novembre. Vous imaginez, Gabin et Blier, disant ce texte ? Sans Jaigu, chaque matin, je ne vais pas y arriver.
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