Et maintenant, que faire ? Pour les électeurs de Mélenchon, le score du candidat de la France Insoumise a généré autant d'espoir que de désespérance : Macron, ou Le Pen ? Voter, ou s'abstenir ? Entre injonctions à éjecter le Front National et refus de la soumission au diktat du Front républicain devenu front macronien, les électeurs de Mélenchon hésitent. Nous en débattons avec nos deux invités, Emmanuel Todd, démographe et historien, et Olivier Tonneau, auteur de deux tribunes, l'une intitulée "Face au Front National : aux pompiers pyromanes qui ont voté Macron", l'autre "Face au FN : lettre aux Insoumis tentés par l'abstention" également professeur de littérature française à Cambridge.
Acte 1
Incontestablement, le JT de Pujadas était plus "dramatisant" en 2002 qu'en 2017. Todd assure qu'il avait "fait l'analyse du vote avant qu'il ait lieu." Aujourd'hui, Todd voit dans les résultats du premier tour, le résultat d'une "course de vitesse entre la colère qui monte et le vieillissement qui monte aussi." Côté vieillissement : Fillon et, partiellement, Macron. Côté colère : Mélenchon. Il n'a pas passé le premier tour. Selon Tonneau, c'est à cause de la réticence des intellectuels à soutenir Mélenchon. "Ce qui nous a manqué c'est la validation de la classe moyenne." Todd le reconnait : il avait été trop dur avec Mélenchon, sur notre plateau. "Ça sert à rien de regretter. (...) A l'époque, je n'y croyais pas."
Acte 2
Malgré tout, pour Todd et Tonneau, l'"évènement" du premier tour, c'est le succès de Mélenchon. Macron a été porté par "une empreinte PS" et par "la France qui n'a pas de problèmes." La carte du vote Le Pen, explique Todd, épouse "la carte de la désindustrialisation" mais aussi, des régions "de déchristianisation" historique. Mélenchon lui, est le seul candidat "interclassiste". C'est le signe, pour Todd, d'un "sursaut antisystème" qui, celui-là, "ne s'appuie pas sur la xénophobie." Et puis il y a l'homme, le tribun, qui a réussi à reprendre des voix au FN. Que restera-t-il des Insoumis après lui ? Pour Tonneau, quelqu'un pourrait le remplacer. par exemple Charlotte Girard, responsable de son programme. Tonneau et Todd débattent ensuite du niveau de culture des classes supérieures "managériales". (Cf, l'étude mentionnée par Olivier Tonneau)
Acte 3
Mélenchon n'a pas donné de consigne de vote explicite pour le second tour. Pour Raquel Garrido, une de ses porte-paroles, les "injonctions parisiennes énervent tout le monde" position que combattent par exemple les éditocrates Nicolas Domenach et Raphaël Enthoven. Alors que faire? Pour Tonneau, "il n'y a pas d'équivalence dans la bouche de Mélenchon entre Le Pen et Macron." Aucun doute : il ira voter Macron. Pour Todd, c'est hors de question. "Voter Front National, c'est voter xénophobe. Mais pour moi, voter Macron, c'est l'acceptation de la servitude."
Acte 4
Prendre le risque de s'abstenir, au risque de voir Le Pen accéder au pouvoir ? Pour Todd, c'est oui. L'urgence, c'est de préserver "une autre France définie par le taux d'abstention", en train d'émerger. D'ailleurs, Tonneau cite une étude assurant que la réforme des institutions est le premier déterminant de vote des Français. Voici l'étude à laquelle il fait référence, qui ne dit pas tout à fait la même chose. Tonneau, lui, votera Macron. "On va virer les fachos comme on sort les poubelles." L'important est de "continuer le combat réel contre le Front National que la France Insoumise s'est prouvé capable de mener." Jamais d'accord ? Tant pis. Peu impressionné par les caricatures de Jul ou de Pessin que nous lui montrons, Todd conclut : "Chacun fait ce qu'il veut" mais lui, dit-il, va s'abstenir "dans la joie".
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