Saint Martin, l'impossible récit
de la situation dans l'ile franco-néerlandaise de Saint Martin, dévastée par le cyclone Irma. Deux récits de la situation s'opposent irréductiblement. Celui (à quelques exceptions près) des envoyés spéciaux des medias institutionnels : l'ordre règne. Les autorités font face. Des centaines de milliers de bouteilles d'eau ont été distribuées. La gendarmerie patrouille. Entre les habitants eux-mêmes, la solidarité s'organise. Et de toutes manières, à toutes fins utiles, le GIGN et le RAID seront sur le terrain dans les prochaines heures. Sans parler du chef de l'Etat, qui se rendra mardi auprès des sinistrés (tiens, mardi, jour de la mobilisation syndicale anti-réforme du travail. Un hasard, certainement).
Et à l'inverse, colportés par les réseaux sociaux, des témoignages de l'enfer. Tapez "Saint Martin" sur twitter. Ce ne sont que témoignages invérifiables de magasins et domiciles pillés ; des milices de surveillance et d'autodéfense sont obligées de se constituer ; des centaines de morts, un millier peut-être, sont à déplorer, et n'ont pas été décomptés par les autorités : la traditionnelle peinture post-apocalyptique.
A cette dualité se superpose, déjà, la controverse idéologique traditionnelle, plaquée sur cette réalité incernable : faut-il parler de pillages ou, pour une population abandonnée à elle-même, de réappropriation de survie ? On s'enverra les images à la figure : celles-ci, choisies au hasard parmi cent autres semblables, et à l'authenticité invérifiable, du pillage d'un commerce ; et en sens inverse, cette interview d'un père de famille excédé, qui s'est vu octroyer, en tout et pour tout, trois bouteilles d'eau, et justifie les "actes de survie". C'est cette incapacité totale à synthétiser les deux récits qui, mieux que tout autre indice, dit la situation d'anarchie, qui règne à l'heure où ces lignes sont écrites.
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