Ciao Marianne !
Les lecteurs de Marianne ne trouveront pas dans leur hebdo préféré les deux pages fournies par @rrêt sur images, qu'ils avaient pris l'habitude d'y déguster chaque semaine, depuis janvier. Le responsable des pages, Jack Dion, vient de me signifier que l'hebdo avait "un problème" avec les deux principaux articles que nous leur avons proposés cette semaine.
Ces deux articles, c'étaient celui-ci, et celui-là. L'un portait sur l'affaire Didier Porte, l'autre sur la vente du Monde.
C'est en effet une excellente raison. Ne nous fâchons pas !
Enfin, pour tout arranger, le rédacteur en chef de la Matinale de France Inter, Renaud Dély, très anti-Porte, est un ancien journaliste de Marianne.
Cette différence d'appréciation ne me semblait pas poser un problème insurmontable. J'ai suggéré à Jack que la rédaction de Marianne rédige, par ailleurs, dans le journal, un article dans lequel elle exposerait ce point de vue, inverse du nôtre. Vive le débat, après tout ! Mais non. Ce n'est pas prévu. Il y a des sujets sur lesquels les débats sont autorisés, voire recommandés, et d'autres sur lesquels "la ligne du journal" doit s'imposer. Les lecteurs de Marianne ne sauront donc rien de l'affaire Porte. On a le droit, dans Marianne, de critiquer Aphatie et Elkabbach, leurs intox, leurs manips, c'est autorisé, et même recommandé, mais pas Val et Demorand. C'est "la ligne".
Sur le deuxième article, la raison du refus de Marianne est encore plus belle : aussi longtemps que le processus de vente du Monde n'est pas terminé, m'a expliqué le malheureux Jack Dion, qui répétait courageusement des éléments de langage recueillis en haut lieu, surtout ne rien écrire. Le directeur de Marianne, Maurice Szafran, a pris position pour la proposition du patron du Nouvel Obs Perdriel et de son second Olivennes, qui pourrait devenir (ce n'est évidemment pas sûr, les choses vont si vite, mais c'est évoqué depuis plusieurs jours) une proposition conjointe Perdriel-Stéphane Richard de France Télécom : surtout ne rien écrire qui risque de torpiller ce bel attelage. Surtout, ne pas écrire que Perdriel pourrait éventuellement s'allier avec un ami de Sarkozy. Surtout, ne rien écrire du tout, d'ailleurs, sur la vente du Monde, c'est plus sûr, tant que tout n'est pas terminé. Ne nous fâchons pas.
J'ai tenté, sur ce point aussi, de défendre les bienfaits de la pluralité des opinions dans un journal (au lendemain de cette rude conversation, Marianne2 a d'ailleurs fini par publier un papier de Philippe Cohen, faisant allusion à l'alliance taboue, chut, n'en parlons pas, de Perdriel-Olivennes, et de Stéphane Richard). En vain. Les jeux étaient faits.
Jack Dion m'a aimablement donné le choix entre proposer deux autres articles, et ne pas publier la page. Quelle solution croyez-vous que j'ai choisie ?
Donc, oui, fin d'une belle collaboration. Ciao Marianne !
L'expérience devait de toutes manières s'arrêter fin juin. J'en avais été avisé au début du mois par une lettre recommandée en quatre lignes, non motivée, de Maurice Szafran. Verbalement, on m'avait assuré, juré craché, que c'était pour des raisons budgétaires, strictement budgétaires, tu comprends, l'année prochaine risque d'être difficile, très difficile. Officieusement (les rédactions sont bavardes), on me chuchotait que certains mammouths du PAF avaient été heurtés par certains des articles de cette enclave hebdomadaire d'@rrêt sur images chez Marianne. Michel Drucker, par exemple, n'avait pas apprécié un article rappelant qu'il fait co-produire ses émissions par des collectivités locales, ou par l'Armée. Il avait appelé Szafran, pour protester contre l'outrage. J'en étais là, de cette passionnante enquête, quand...
C'est fou, comme tous ces gens n'aiment pas ce qui gratte. C'est fou, comme ils ont tous peur, sans même savoir de quoi ils ont peur.
Notre première grande tentative de diversification s'arrête donc là, victime collatérale du "J'encule Sarkozy", et de Michel Drucker.
Il n'y a pas de drame, même si j'en suis évidemment déçu, car je croyais aux bénéfices réciproques de ce genre de collaboration. Incorrigible naïf que j'étais. Dans la vieille presse, même la plus apparemment impertinente, il y a des choses qui ne se disent pas, des débats qui ne se tiennent pas, des solidarités qui ne se discutent pas. En attendant, si vous voulez lire ce que nous écrivons, regarder nos émissions, ce sera sur notre site, et nulle part ailleurs.
Mise à jour : on lira ici la réponse de Maurice Szafran, ainsi que notre propre réponse à sa réponse.
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