Ah, si Benghazi votait en 2012 !
Jour après jour, on suit avec Rémy Ourdan, envoyé spécial du Monde, la progression des rebelles libyens
La vie est mal faite. Quelques pages plus loin, dans un article sobrement titré "M. Sarkozy va devoir ajuster sa stratégie pour 2012", l'accrédité à l'Elysée, Arnaud Leparmentier, racontant dans le détail l'implosion de l'UMP, relate cette anecdote navrante: "M. Sarkozy a demandé à ses proches si les retours de terrain de la Libye étaient bons. L'Elysée se veut prudent sur l'impact électoral du conflit". En version originale, ça donne: "j'ai fait tout ça pour remonter dans les sondages, et ça marche même pas. C'est pas de l'injustice, Msieu Leparmentier ? C'est pas de l'antisarkozysme primaire ?" Ah, si seulement Ajdabiya et Syrte pouvaient voter en 2012 ! La vie est mal faite.
On pourrait faire de l'ironie facile, et souffler au monde ébloui une solution qui satisferait tout le monde. Les Libyens vont bientôt avoir besoin d'un chef d'Etat. Il se trouve qu'un specimen, charismatique, enthousiaste, encore jeune, portant sûrement magnifiquement casquette et boubou, pourrait bientôt être libre de toutes obligations, avec popularité à toute épreuve dans la Cyrénaïque. Tout le monde ne serait pas content ?
Plus sérieusement, le conformisme antisarkozyste des médias français appliqué à la guerre de Libye est, c'est vrai, encore plus confondant que l'hystérie sarkozyste des premières années du quinquennat. Tentons de dire les choses simplement: il se trouve qu'en dépit de ses innombrables vices de fabrication (origine béachélienne douteuse, précipitation liée au désir de faire oublier les mâmeries tunisiennes, langue de bois présidentielle, opacité louisquatorzienne sur les coulisses de l'opération que soulignait sur le plateau, ce week-end, Natalie Nougayrède, du Monde), il se trouve que cette opération dans laquelle l'Homme Fort français a joué un rôle essentiel est, à l'heure où j'écris, un succès. Elle a permis aux rebelles de reprendre l'offensive, et ne semble pas avoir fait de victimes civiles. Mais il ne se trouve pas un éditorialiste autorisé pour l'écrire ainsi, tant le conformisme sondagier est apparemment plus pesant, chez l'éditorialiste autorisé, que le tropisme sarkophile. A le lyncher ainsi en choeur, ils vont bien finir par le faire apparaître comme une victime, et le faire réélire en 2012. Ce qui est peut-être le but de l'opération, diront les complotistes, car il y en a toujours.
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