Al-Sissi : la visite d'État n'a pas eu lieu
Une étrange rumeur circule : il paraît qu'un fantôme serait passé en France. Il serait resté trois jours. Il aurait été reçu par les plus hautes autorités. Par le chef de l'État. Par le Premier ministre. Par les présidents des Assemblées. Il aurait déposé une gerbe sur la tombe du Soldat inconnu. On aurait bloqué pour la cérémonie la place Charles-de-Gaulle. Il aurait rencontré le gratin du patronat. Il aurait accordé une interview au Figaro
. On l'aurait repéré avec des militaires dans la cour d'honneur des Invalides. La maire de Paris se serait inclinée devant lui. Il aurait circulé dans la capitale, entouré de gardes républicains en grand uniforme. On lui aurait décerné la Grand Croix de la Légion d'Honneur dans les salons du palais présidentiel.
A-t-on rêvé ? Oui, on a dû rêver, puisque de tout ce faste républicain, on n'a entrevu à la télévision française que quelques images furtives, avec des ombres masquées rappelant les silhouettes familières du couple présidentiel. On a dû rêver. Sinon, ce qui s'est passé cette semaine, avec la visite d'État à Paris du président égyptien Al-Sissi, serait sans précédent.
Il y a des visites officielles discrètes. Il y a des visites semi-officielles très discrètes. Il y a des visites d'Etat en grand apparat. S'il avait vraiment séjourné en France, la visite de Abdel Fatah Al-Sissi, dictateur égyptien aux 60 000 prisonniers politiques, serait la première visite d'État furtive, de toute l'histoire du protocole républicain. On a dû rêver. Dans un pays où la presse est libre et indépendante, un dictateur étranger n'aurait pas pu se promener ainsi trois jours, sans avoir tous les reporters à ses basques.
Et si on n'a pas rêvé, pourquoi les trois jours de visite d'Abdel Fatah Al-Sissi ont-ils été fermés aux caméras françaises ? La mairie de Paris renvoie au Quai d'Orsay. Le Quai d'Orsay renvoie sur tout le monde, sauf le Quai d'Orsay. On saura peut-être un jour. Peut-être a-t-on simplement voulu éviter d'avoir à camoufler les photos sur les sites officiels après la chute du dictateur, comme pour Moubarak ou Kadhafi. Tout l'épisode pue la trouille et la honte. Des images existent pourtant. Elles sont toutes regroupées sur le site de la présidence égyptienne, où l'émission Quotidien
est allée les rechercher.
Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.
Déjà abonné.e ? Connectez-vousConnectez-vous