Arménie : le carré de rois de France 2
Service public oblige, il faut donc rappeler au public de Pujadas ce que fut le génocide arménien. Mais le rappeler en intéressant le télespectateur moyen. En lui expliquant en quoi le génocide arménien, cette vieillerie du dernier siècle, le concerne, lui, aujourd'hui. On imagine le journaliste se demandant comment il va attaquer son sujet, quelle est l'accroche la plus forte. L'explication historique pure ? Rasoir. Le centenaire ? Trop conventionnel. Le diplomatique (la Turquie, après cette déclaration, vient de rappeler son ambassadeur au Vatican) ? Trop compliqué. Et finalement il a l'illumination : passons en revue les Arméniens français célèbres. A commencer évidemment par l'Arménien des Arméniens, Aznavour.
Le sujet historique s'ouvre donc sur la photo sur fond noir de Charles Aznavour...
...à qui succède, toujours sur fond noir, le coureur automobile Alain Prost...
...lui-même suivi du footballeur Youri Djorkaeff...
...alors que complète le carré le compositeur André Manoukian (de la Nouvelle Star).
On comprend la philosophie sous-jacente de cette construction narrative, en forme de crypte audiovisuelle (les photos proviennent d'ailleurs apparemment du Mémorial de la Shoah) : chaque téléspectateur de France 2 a fredonné Ma bohême. Un peuple qui a donné Aznavour au monde (et en prime, Prost, Djorkaeff et Manoukian), ne peut pas être totalement inintéressant. Ses morts ne méritent pas de passer par pertes et profits. Les Quatre sont au génocide ce que Nikos Aliagas est à la crise grecque : une porte d'entrée, dont le téléspectateur, présumé somnolent et distrait, est présumé avoir besoin.
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