Bloomberg, vu d'ici
Rebondissement dans le délectable feuilleton de la présidentielle américaine. Le milliardaire Bloomberg, patron du groupe de presse du même nom, se lance dans la primaire démocrate. Pour commencer, il va investir 30 millions de dollars dans un bombardement de spots télé. Accessoirement, cela place les journalistes de son groupe de presse dans une situation impossible, comme nous le détaillons ici, mais après tout ce n'est pas le premier. Les journalistes du Washington Post
, propriété de Jeff Bezos, ne sont pas dans une position plus confortable par rapport à Amazon. Quant aux journalistes français de la presse des milliardaires, n'en parlons pas.
Pourtant, ce bombardement de dollars de spots ne choque nullement les medias français. Ecoutons (ci-dessus) la correspondante de TF1 à Washington, Amandine Atalaya, présenter Bloomberg aux téléspectateurs de la chaîne Bouygues. Sa fortune (Bloomberg est 17 fois plus riche que Trump) est évoquée factuellement, sans jugement de valeur, sans mention explicite du bombardement publicitaire. Au nombre de ses handicaps : son âge (77 ans), et le caractère tardif de sa candidature. Ses atouts ? Il est un "défenseur de l'environnement", et il est favorable à une certaine réglementation des armes à feu. Autrement dit : soulagement général en Europe. Enfin un challenger crédible au monstre Trump !
Que Bloomberg tente de s'acheter la nomination en lavant le cerveau des électeurs à coups de spots passe au second plan. Peut-être parce que les journalistes français y sont habitués : l'électeur US est conditionné, c'est ainsi depuis la nuit des temps. Peut-être parce qu'ils considèrent inconsciemment que la fin justifie les moyens. Après tout, si on peut chasser l'écocidaire de la Maison Blanche, fût-ce en conditionnant les électeurs, on ne va pas faire la fine bouche. Seule en France dans les medias mainstream, comme d'habitude, l'inlassable Julia Cagé rappelle que cette entrée en lice est "une mauvaise nouvelle pour la démocratie"
.
Mais surtout, cette résignation à l'achat d'une élection par le conditionnement publicitaire part du présupposé que seul un candidat sérieux, entendez millionnaire, ou soutenu par de richissimes donateurs, a une chance sérieuse de gagner, à la différence d'une Elizabeth Warren ou d'un Bernie Sanders, candidats de la gauche du parti démocrate. Présupposé auquel s'est rallié le mois dernier le candidat démocrate Biden, en acceptant les financements illimités de gros donateurs. L'exemple de la députée de New York Alexandria Ocasio Cortez montre pourtant le contraire. Il montre que d'autres sources de financement sont possibles. Mais surtout, surtout, ne pensons pas "out of the box".
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