Cette sacrée symétrie
Insoluble question, que celle de la symétrie. Il doit (il devrait y avoir), dans les médias d'un pays qui n'est pas partie prenante au conflit, une symétrie dans le traitement verbal des belligérants, dans la méfiance à l'égard de leur propagande, dans la compassion à l'égard de leurs victimes. S'efforce-t-on de la respecter, cette symétrie, que chaque camp fera valoir la supériorité, l'antériorité, de sa souffrance ou de sa légitimité. (Quand j'écris, comme ici, "chaque camp", ne cédai-je pas encore à une fallacieuse symétrie ?) Sort-on de la "symétrie", choisit-on, même dans le secret de son âme, un agresseur et une victime, que les partisans de l'adversaire vous sauteront à la gorge.
Notre invité de ce week-end, le producteur Serge Gordey, expliquait bien comment dans le "Gaza-Sderot", les auteurs se sont efforcés de bannir toute construction symétrique, éliminant de leurs montages tout ce qui pourrait suggérer cette symétrie des destins. Mais la symétrie se venge, et ressort malgré eux du dispositif même de leur très beau web-documentaire. Il n'y a évidemment pas de symétrie du nombre de victimes. Il n'y a pas de symétrie, depuis deux semaines, de la souffrance et des ravages. Les avions, les bombes au phosphore blanc, les chars, sont d'un côté et d'un seul. Mais il y a symétrie de la haine et du désespoir, dans ces peuples enchaînés l'un à l'autre. Comment traiter symétriquement d'une guerre asymétrique ? Merci d'envoyer les suggestions à la rédaction.
L'illustration est extraite d'une chronique de 2008 d'Alain Korkos, sur le projet face2face.
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