De quoi #lagifle est (peut-être) le nom
à l'affaire de "la gifle" (dite aussi affaire de #lagifle, pour faire moderne). "J'aurais aimé, comme pour Mediapart, que le site ne publie aucun article sur le sujet. Restons sur les vrais enjeux: la nuit debout, les trahisons d'Hollande à ses électeurs, les primaires américaines. Mais pitié, plus d'Hanouna" nous supplie l'une d'entre vous.
Eternelle question. Comment traiter le signe futile ? S'en détourner ? On aurait pu. Personne, dans l'équipe, ne s'est senti obligé de parler de #lagifle. Le nombre de buzz ineptes que nous vous épargnons chaque jour, vous n'imaginez pas. Vous n'imaginez pas à quel point, pour des journalistes, il est libérateur d'être délivrés de l'obligation de traiter "les sujets obligatoires" (du genre, se creuser la tête pour trouver des choses intelligentes à dire sur Prince, le jour de la mort de Prince).
Mais en sens inverse, aucune charte, aucun serment secret, ne nous interdit de parler de #lagifle, si nous le jugeons intéressant. Qu'est-ce que cette gifle ? Un fait divers, dans toute sa splendeur. Et qui déclenche le phénomène classique de fascination / répulsion que déclenche toute relation de fait-divers. Oui, selon la belle formule de Bourdieu, le fait-divers fait diversion. Mais parfois la diversion dit des choses. Certains faits-divers (pas tous) éclairent des milieux sociaux méconnus, des évolutions sociétales jusqu'alors passées sous le radar des medias et des sociologues. Croit-on vraiment que les révélations sur la pédophilie dans l'Eglise et, ces dernières heures, dans l'Education nationale, ne nous disent rien sur ces milieux ?
Sur le champ privilégié qui est le nôtre, la production de signes et de narrations médiatiques, il se trouve que (contrairement à mon intuition première, que vous n'allez pas manquer de me ressortir) cette gifle dit des choses. Ou tout au moins, que l'on peut considérer qu'elle en dit. Elle dit le sentiment de toute-puissance qui habite un animateur à succès par rapport à la chaîne qui l'emploie. Elle dit la puissance des réseaux sociaux, capables de faire instantanément grimper l'audience d'une émission de la vieille télé. Elle peut aussi, pourquoi pas, exprimer un certain ras-le-bol par rapport à la toute puissance de la dérision. Et l'on peut estimer que l'intérêt de ces sujets contrebalance l'inconvénient (évidemment réel) de contribuer, dans notre petite mesure, à grossir le buzz d'une télé commerciale.
Résumons. Notre indépendance, bénie soit-elle, par rapport à la publicité nous délivre de la tyrannie du clic. Moi qui vous parle, je ne sais même pas si nos contenus sur #lagifle ont fait davantage, ou moins de clics, que nos autres enquêtes publiées la même semaine, sur l'arnaque au "bore out", sur la directive "secret des affaires", sur les mouvements citoyens à Mayotte, ou sur les approximations médiatiques sur la destitution de la présidente brésilienne, tous sujets garantis sans Hanouna. Et que les allergiques à Hanouna peuvent passer tout le temps nécessaire à lire, et à approfondir.
Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.
Déjà abonné.e ? Connectez-vousConnectez-vous