Debbie Bosanek, storytelling de l'injustice fiscale
Debbie Bosanek était aux côtés de Michelle Obama, dans une loge du Congrès, pendant le discours sur l'Etat de l'Union de Barack Obama. Bosanek est la secrétaire de Warren Buffett, le milliardaire qui a lancé, à la rentrée, le débat sur une contribution volontaire des riches (nous y avions consacré une émission l'an dernier) après avoir pris conscience que sa secrétaire payait proportionnellement davantage d'impôts que lui. Si les Obama ont invité Bosanek, au milieu d'autres héros américains, à venir figurer sur les photos du discours, c'est parce que Obama va axer la campagne de sa réélection sur la justice fiscale, en proposant d'instaurer un taux d'imposition de 30% sur les super riches, à savoir les foyers dont le revenu est supérieur à un million de dollars par an.
Cela pourrait rester abstrait. Mais la figure de Debbie Bosanek, icône de l'injustice fiscale américaine, figure des classes moyennes victimes de cette injustice, va rendre cette proposition concrète, et visuelle. La redoutable efficacité de la médiatisation de Bosanek, est qu'elle renverse le processus d'icônisation: au lieu de diriger les projecteurs vers une figure de bouc émissaire de super-riche, on les dirige vers une figure de bénéficiaire anonyme, tirée de la foule. La difficulté de toute médiatisation d'une politique de redistribution, en effet, c'est que les hurlements de spoliation des victimes couvrent généralement les cris de joie des bénéficiaires. Les medias ont d'ailleurs bien entamé ce travail d'icônisation, comme le montre cette simple recherche Google images sur le nom de Debbie Bosanek.
On considère généralement que le storytelling est de droite. Aux Etats-Unis, couveuse géante du storytelling, paradis de la narration épique, le premier précédent qui vient à l'esprit, est celui de Joe le plombier, qui avait interpellé Obama sur le poids des impôts au cours de la campagne précédente, et avait ensuite été amplement récupéré par le candidat républicain Mc Cain (les médias US avaient ensuite multiplié les enquêtes désagréables sur les trous de sa biographie, mais c'est une autre histoire). L'exemple de Debbie Bosanek montre simplement que c'est faux. Un storytelling de la justice fiscale est possible, aussi simple, aussi réducteur, aussi efficace, que le storytelling de droite. Je dis ça, je ne dis rien, n'est-ce pas. Chacun, en France, en tirera les conclusions qu'il voudra.
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