Deneuve, Millet, la galanterie, et le précambrien
Bien sûr, elles ont le droit de parler. Bien sûr, l’actrice Catherine Deneuve, l’écrivaine Catherine Millet, et quelques autres, ont parfaitement le droit de revendiquer d’être frottées dans le métro (qu’elles ne doivent pas prendre très souvent). Et de se regrouper pour l’écrire dans Le Monde
. Même si ces phrases semblent surgies d’un autre siècle. Même si cette parole sonne aujourd’hui tellement minoritaire. Même si chaque phrase de ce texte donne envie de se pincer.
Ce qui est plus mystérieux, c’est le statut donné à cette tribune par le journal qui l’accueille. “Des femmes libèrent une autre parole”
titre Le Monde
, dans son édition papier, en page intérieure. Dans ce titre, deux mots trahissent un jugement positif. “L’autre” parole, c’est la parole non entendue, inattendue, non conventionnelle, une sorte d’alter-parole. Et si les femmes la “libèrent”, c’est qu’elle était emprisonnée.
Nous y voilà. Comme si cette “alter-parole” avait longtemps été ligotée, détenue, dans les sombres cachots de l’Interdit. A son tour. Comme si sa“libération” était le pendant de celle des #metoo, qui se déploie depuis quelques mois. Prison contre prison, chape contre chape, honte contre honte. Cette “libération” que proclame le titre du Monde
, c’est l’équivalent de celles de ces “politiquement incorrects” prétendument baillonnés abonnés aux couvertures des hebdos, les Finkielkraut, les Zemmour, les Onfray.
A noter que l’édition en ligne du journal n’a pas osé le même titre, affublant le texte, au contraire, d’un titre provocateur -“nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle”
- qu’on croirait calibré pour attirer le déferlement féministe des réseaux sociaux (qui n’a pas manqué).
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