France 2, et le blessé de trop
Une femme parle. Son compagnon vient de perdre un oeil, à la manifestation de l'Acte 53 des Gilets jaunes. Elle dit : "Je ne comprends pas comment en se levant le matin, pour aller montrer notre mécontentement pacifiquement, on perd un oeil parce qu'on espère juste vivre mieux. C'est pas juste"
. Et je ne sais pourquoi, en regardant ce reportage du compte Twitter 20H France 2 je pense : "c'est le blessé de trop". C'est l'estropié de trop. Peut-être parce qu'on voit en direct la grenade lacrymogène lui massacrer l'oeil, place d'Italie, à Paris. Peut-être parce que Manuel Coisne est intérimaire dans l'automobile dans le Valenciennois, et que sa compagne, Séverine, travaille dans une maison de retraite. Peut-être parce que j'ai lu qu'ils ont quatre enfants chacun. Et parce que j'imagine les feuilles de paie, le frigo, les rangées de paires de baskets à remplacer.
Peut-être aussi parce que j'ai en mémoire ce terrifiant "nous ne sommes pas du même camp"
du préfet-seigneur de guerre Lallement, celui qui commande en dernier ressort aux lanceurs de grenades. Peut-être parce qu'en entendant cette femme en appeler à la justice, sans majuscule, je ne peux qu'être de son côté, de son camp, pour parler comme Lallement. Tous les estropiés sont des estropiés de trop. Mais Manuel Coisne est l'image incontestable de la terreur d'Etat qui s'abat sur des Français ordinaires.
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