Il s'appelait Sudan
On ne peut pas dire que sa mort ait été sous-médiatisée. Le Monde
lui a consacré une longue et passionnante nécrologie, d'où je tire toutes les précisions ci-dessus. Et la mort de Sudan s'est même frayée une toute petite place dans la Matinale de France Inter, dans la chronique de Thomas Legrand. Pardon ? Mais n'est-ce pas habituellement une chronique politique, consacrée aux sous-espèces de partisans de Laurent Wauquiez, et à l'extinction interminable des rhinocéros politiques ? Si. Habituellement. Mais ce matin, Legrand a décidé de consacrer sa chronique à "l'événement politique le plus important de la semaine"
. La mort de Sudan et, nouvelle plus effarante encore, la disparition des populations d'oiseaux en France "à une vitesse vertigineuse"
(Le Monde,
encore).
Merci Thomas Legrand. Sans cette chronique, obnubilé que je suis par des questions secondaires, j'aurais peut-être raté la mort de Sudan, et n'aurais même pas trouvé le temps d'évoquer la chute des populations d'oiseaux, illustrations tragiques des ravages causés à la biodiversité par les activités humaines, guerres et épandages de pesticides, notamment. Il y a tellement d'autres informations, plus tapageuses que la disparition des pinsons et des tourterelles.
Cette irruption de Sudan dans le champ politique nous rappelle combien chaque rubrique de l'information (comptage des manifs, mensonges de Sarkozy, etc etc) court dans son couloir, et combien nous sommes enfermés dans nos bulles. Je ne sais pas pourquoi je re-pense à cet instant à Ebdo
, ce gâchis, cette déception, ce magnifique projet mort-né. Peut-être, si Ebdo
avait vécu, aurait-il consacré sa prochaine couverture à la mort de Sudan. Une couverture toute simple : "Il s'appelait Sudan". Avec une photo de Sudan, de face, en gros plan, joyeux, vivant. Peut-être qu'ils auraient eu ce réflexe. Peut-être pas. Quelque chose me dit qu'un journal qui aurait eu ce réflexe n'aurait pas pu mourir.
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