Kahn, et les "panzerdivisions de la gratuité"
, qui s'emploie dans Libé de ce matin à défendre la presse payante. En incriminant "la culture du tout-gratuit", Joffrin est dans son rôle de directeur de journal qui cherche l'issue à l'aveuglette. Kahn est plus inattendu, plaçant dans le même sac "l'hyperconcentration" et la "dématérialisation" (?), semblant déplorer la montée de la "mediaphobie", alors qu'il est le fondateur d'un hebdo qui n'hésite pas à taper rituellement sur tous lémédias (ou presque : à l'exception notable de MM. Drucker, Val, et Perdriel). Quant au responsable du Livre, qui apporte à la Cause l'opportun renfort de la classe ouvrière, il faut avoir entendu les patrons de presse conchier en privé le Livre et ses surenchères, pour apprécier pleinement la sincérité de l'accueil qui lui est réservé sur le pont supérieur.
Au-delà du caractère baroque de l'attelage et de l'incohérence des arguments déployés, au-delà des outrances verbales (avec ses "panzerdivisions de la gratuité", Kahn pulvérise joyeusement le point Godwin), le trio de défenseurs pose une vraie question : oui, informer doit rester un métier, qui nécessite une formation, et mérite un salaire décent. Pas seulement pour la survie d'une corporation. Mais parce que l'information est une fonction sociale à part entière (même si la corporation des journalistes doit renoncer à y exercer un monopole), et ne doit pas être un appendice des groupes industriels, de l'Etat, des partis politiques, ou des associations militantes. Allez, franchissons le Godwin avec Kahn, puisqu'on approche du 18 juin : non, il n'y a aucune fatalité. Ce n'est pas parce que tout le monde répète le même couplet défaitiste (la gratuité est fatale, c'est foutu, elle est dans les têtes pour toujours, on n'y reviendra jamais) que cette chose devient vraie.
Mais, au-delà des incantations, le trio ne propose malheureusement rien, sinon la solution paresseuse de taxer Google ou les fournisseurs d'accès, ce qui est sans doute une bonne chose, mais ne saurait en bonne économie constituer la ressource principale des journaux. En bonne économie, la ressource principale d'un média sain doit être constituée, ni par la pub ni par l'impôt, mais par le prix librement acquitté par ses lecteurs, ses auditeurs, ses télespectateurs, ses internautes. Y sont-ils prêts ? Présumons que oui, pour satisfaire un besoin, pour manifester un soutien, ou les deux. Le font-ils ? Constatons pour l'instant que non. Il suffit donc aux médias de redéfinir le besoin, d'y répondre, et / ou de mériter le soutien. CQFD. Ne me remerciez pas pour la consultation, c'est...gratuit.
Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.
Déjà abonné.e ? Connectez-vousConnectez-vous