Karachi, Tibéhirine, et les espions
le système ne se jette pas sur tous les scoops avec la même voracité. Même en écoutant distraitement, n'avez-vous pas remarqué comme une différence de niveau sonore, entre le nouveau rebondissement de l'enquête sur l'assassinat des moines de Tibéhirine, et le revirement de l'enquête sur l'attentat de Karachi, auquel nous consacrions notre dernière Ligne j@une ? Dès le premier jour, Tibéhirine se hisse à la première place des journaux radio, ex-aequo avec l'élection municipale de Hénin-Beaumont. Résumons le scoop du Figaro et de Mediapart : les sept moines de Tibéhirine n'auraient pas été assassinés par les islamistes du GIA, comme l'affirmait la version officielle, mais auraient été victimes d'une bavure de l'armée algérienne. C'est un général français, ancien attaché militaire à l'ambassade de France à Alger, qui le tient d'un officier algérien, dont le frère commandait une unité héliportée, responsable de la bavure. Ce général a déposé auprès du juge Marc Trévidic (oui, le même que celui qui enquête sur Karachi) mais n'a pas livré le nom de son informateur. Dernier aspect : pour préserver la relation avec l'Algérie, les gouvernements français successifs auraient affecté de croire la version officielle.
Pourquoi tambourine-t-on Tibéhirine, alors que l'on joue Karachi en sourdine ? Le nombre des morts ? Leur qualité ? Chacun aura sûrement son hypothèse. Notons que la nouvelle version Karachi met en cause les deux clans rivaux de la droite, alors que la nouvelle version Tibéhirine ne met en cause que le clan chiraquien, soupçonné d'indulgence coupable envers les généraux algériens. Mais n'en tirons aucune conclusion. On observera simplement avec intérêt l'écho rencontré par les deux rebondissements. On observera aussi les suites données par le gouvernement aux deux demandes de levée du secret-défense, formulées par la Justice dans les deux affaires.
"Mais finalement, dans l'affaire de Karachi, entre la version de Bakchich et celle de Mediapart, à laquelle croyez-vous ?" me demandait hier un de nos abonnés, au cours de notre radieux-pique-nique. Ouh la ! Rude question. A laquelle j'ai répondu en livrant un scoop à cet abonné : si j'arrive à peu près à discuter avec des gardiens de squares, je ne connais personnellement aucun espion. Ni Français, ni étranger. Ni habillé, ni en slip de bain. Ni dans la vraie vie, ni sur Facebook. Une longue observation des manchettes de journaux m'a néanmoins appris que plus les espions s'en mêlent, plus la vérité s'éloigne. Au point de disparaître souvent définitivement des regards, ne nous laissant d'autre spectacle, hélas, que les gesticulations de tous ceux qui la cherchent.
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