Le monde selon Richard Descoings
: le directeur de l'école de Sciences Po Paris, Richard Descoings. Attaqué depuis plusieurs semaines, notamment par Mediapart, sur l'opacité de sa rémunération, Descoings se défend. Il fait d'abord remarquer que sa "part fixe" n'est pas si élevée qu'on veut bien le dire. A Libé qui lui demande de confirmer le montant de 25 000 euros mensuels, il répond en ramenant les choses à leurs justes proportions: son salaire fixe se monte à "27 000 euros brut", c'est à dire "23 à 24 000 euros net". Nous voici rassurés. Quant au montant de sa prime, il refuse de l'indiquer, répétant à plusieurs reprises que cette prime est variable, c'est à dire (traduction pour les malcomprenants) qu'il lui arrive de baisser. Sans doute lui arrive-t-il aussi d'augmenter, mais Descoings ne le précise pas, faisant confiance à l'intelligence des lecteurs. |
Pour justifier sa rémunération, Descoings avance plusieurs arguments. D'abord, ses résultats. Il indique quelques critères (le taux d'embauche des diplômés de Sciences Po). On pourrait en avancer d'autres. Si l'efficacité de Sciences Po se mesure (par exemple) à la confiance populaire dans les élites qui sortent de cette école, disons que ça se discute. Il relativise ensuite le montant de son salaire fixe: "comme mes amis conseillers d’Etat, j’aurais pu partir dans un cabinet comme partenaire et on ne serait pas en train de discuter 25 000euros. J’ai choisi de rester, sachant que je serai beaucoup moins payé". C'est magnifique. Et non seulement Richard Descoings a choisi de faire don de sa personne à l'oeuvre éducative, mais il se consacre entièrement à sa tâche: "je n'ai pas de cabinet d'avocat", rappelle-t-il. Bravo. On touche là quasiment à l'humanitaire. Il livre enfin un dernier argument: "un étudiant peut-il me dire droit dans les yeux que quand il sera cadre dirigeant, il n’espère pas gagner quatre fois plus que dans son premier emploi ?"
Fascinante vision du monde. Le directeur de Sciences Po, école publique dont les salaires sont financés à 85% par l'Etat, n'envisage pas un seul instant qu'un seul de ses étudiants, s'il est sincère, puisse avoir un autre ressort dans la vie que de gagner beaucoup d'argent. Il faut remercier Libé et Richard Descoings de nous montrer, en quelques répliques, comment les valeurs du service public ont été pourries par celles de l'argent, et comment le système ainsi édifié fabrique son auto-justification, laquelle, au total, produit une sorte de chef-d’œuvre d'auto-aveuglement.
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