Noyade, carmel et énonciation
, et résister à la spirale infernale de l'alainduhamelisation qui guette cette chronique, mais rien à faire, je suis accro, il me saute chaque matin à la gorge. Noyade mode d'emploi, voici l'épisode du jour: c'était donc lui. Une fois de plus. C'est Sarkozy directement, s'adressant à 14 journalistes politiques, en "off", en Guyane, au cours d'un entretien de trois heures, qui avait distillé les confidences personnelles et narcissiques sur son après-défaite. C'est Libération qui le dévoile, prolongeant le strip-tease initié par Le Monde de la veille.
"Vous voulez que j'anime des sections UMP ? Je ne mérite pas ça. Je préfère encore le Carmel, au Carmel au moins, il y a de l'espérance !" Cette remarque (parmi d'autres) hautement mobilisatrice pour l'UMP, il ne l'a pas tenue "à un ministre", comme le prétendait Le Monde d'hier, mais bien devant le journaliste du Monde lui-même, lequel a grillé le "off", en reproduisant les citations, mais à moitié, c'est à dire sans en indiquer précisément le contexte. Fascinantes questions d'énonciation: qu'est-ce qui rend une citation plus percutante ? L'identification du locuteur ? Le détail du contexte ? Un "off" est-il davantage grillé si le journaliste identifie le locuteur sans le contexte, ou le contexte sans le locuteur ? On en débattrait des heures, faute de parler d'autre chose.
Les choses ainsi précisées (sachant parfaitement que le "off" serait grillé, Sarkozy souhaite donc que l'on sache qu'il doute, et que l'on sache même qu'il souhaite qu'on le sache), la corporation des journalistes politiques s'évertue aussitôt à en imaginer les raisons. S'il souhaite qu'on sache etc, c'est forcément un stratagème. Il a un but caché: créer le désir, se glisser dans la peau du challenger, du candidat anti-système, qui va renverser la table. Peut-être. Sans doute multiplier gaffes et erreurs, créer dans son propre camp panique et démobilisation, comme il s'y emploie depuis le début du mois, constitue-t-il une stratégie hyper-élaborée, hyper-sophistiquée, aux ressorts inaccessibles au commun des mortels. C'est peut-être aussi simplement le signe que l'on perd les pédales, hypothèse dont je déplore moi-même le désolant simplisme, bien peu propice à une alainduhamelisation efficace, mais que je persiste tout de même à livrer aux matinautes que le feuilleton tient en haleine.
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