Pujadas l'accompagnant
, et non francophone, qui sermonne la France. Air connu: il faut augmenter la productivité, baisser les salaires, introduire davantage de flexibilité, pour respecter les engagements européens, etc. Bref, la rigueur, fugitivement, prend un visage. Quelques secondes, le 20 Heures joue à Vis ma vie de Grec. Nul doute que ce type d'apparition télévisée va grandement faire progresser, en France, la popularité de l'Union Européenne.
Retour sur Pujadas. "C'est dans ce contexte" qu'ont été publiés en France les chiffres du chômage, transitionne le présentateur, pour lancer un sujet sur l'habituelle dégradation mensuelle de la situation. "C'est dans ce contexte": cinq mots qui n'ont apparemment l'air de rien, ne veulent rien dire. L'un des deux événements est-il la conséquence de l'autre ? Lequel ? Pourquoi les sommations de Bruxelles seraient-elles davantage le "contexte" du chômage, que l'inverse ? On s'en moque. Mais ces cinq mots sont tout. Ils sont le plus important du journal. Ils nous signifient que le chaos du monde, à défaut d'être maitrisé, est au moins ordonné. En cinq mots, Pujadas nous donne l'impression que les deux événements sont reliés. Peu importe la nature de ce lien. Celui qui nous rend compte de ces éléments épars n'est pas dépassé. Il lui reste assez d'intellect, assez d'énergie, pour relier entre elles ces nouvelles angoissantes. En d'autres termes, la demi-heure de spectacle du journal, dans un même mouvement, nous inquiète (les sommations bruxelloises et la hausse du chômage) et nous rassure (ne vous y trompez pas, tout ceci a une cohérence, et je la saisis).
Nous inquiéter en nous rassurant, et l'inverse; nous lâcher doucement la main dans les ténèbres, tout en nous la tenant bien serrée; nous abandonner à notre sort funeste en restant à nos côtés; être capable dans la même intonation de cette lucidité et de cette sollicitude: telles sont les qualités exigées pour ce métier de présentateur, qui tient pour une part de la mission d'accompagnant dans un service de soins palliatifs. Parmi tous les éléments qui peuvent expliquer la glissade sur toboggan du journal de Ferrari, et l'ascension de celui de Pujadas, il ne faudrait sans doute pas oublier celui-ci.
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