Rocard, la stratosphère, et le caillou
C'est une opération minuscule, tweetée aux matinautes par Guy Birenbaum. Un article de France-Soir. Qui lit encore France-Soir ? demanderez vous. Assez d'égarés, faut-il croire, pour provoquer un buzz matinal. Titré "des costumes à 35 000 dollars", l'article détaille le style de vie pharaonique des Strauss-Kahn à Washington. Costumes, donc, mais aussi une maison "insérée dans un décor avenant de lierre", achetée quatre millions de dollars, et comptant "près de six salles de bains" (le "près de" m'emplit de curiosité. Le palais compte-t-il une demi salle de bains ?) Mais le clou de l'affaire, comme l'a remarqué Guy, c'est que cet article n'est qu'une reprise, sous la même signature, d'un article de feu Bakchich, mis en ligne en octobre dernier.
Et alors ? demanderez-vous. Ce n'est qu'un articulet, dans le journal-danseuse d'un oligarque russe. C'est vrai. Mais ils vont se multiplier. Pas forcément, d'ailleurs, pour flinguer DSK, qui sur le fond, n'a rien pour les inquiéter. Mais parce que, depuis la Porsche, ils ont repéré qu'il y avait un marché. Il faut les voir, tourner autour de ce marché, langue pendante, en se demandant comment en arracher la meilleure part. Le plus comique est d'ailleurs Barbier, de L'Express, consacrant sa couverture au ryad de Marrakech, et autres somptuosités, tout en se fendant d'un édito dans lequel il relève, réprobateur et lucide, que tous ces sujets "flattent l'antisémitisme". Faudrait savoir, Barbier. Bon, je m'arrête. Ils vont finir par nous obliger à le défendre, ma parole.
Patauger dans ces sujets, et d'un coup, d'un seul, s'élever dans la stratosphère, avec une interview dans Libé de Michel Rocard, pontife des sociaux démocrates. L'l'intérêt supérieur de la social-démocratie, assure Rocard, exige de "rapatrier Strauss-Kahn". Je cite: "On peut penser, comme citoyen du monde, qu’il y aurait un intérêt à ce que Strauss-Kahn reste à Washington, parce que la mission n’est pas terminée. Mais la résistance politique des banques est telle que (...) je pense désormais, en citoyen français, qu’il vaut mieux rapatrier Strauss-Kahn, et qu’il puisse agir à travers l’écoute dont bénéficie encore la France sur la scène internationale. Non seulement comme membre du Conseil de sécurité mais aussi du fait de son indépendance forte à l’égard des Etats-Unis. François Hollande ou Martine Aubry ne seraient pas sur une ligne bien différente mais, contrairement à Strauss-Kahn, il leur faudrait un certain temps d’apprentissage, et on ne peut pas perdre le moindre temps, il y a urgence". J'adore cette manière de voir le monde par les yeux de Google Earth. Ne dîtes surtout pas à Rocard qu'entre le rapatriement et le boulot, il y a un petit caillou, invisible de Google Earth, qui s'appelle l'élection. Ca briserait son rêve.
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