Sacrés forums
C'est une bien intéressante étude, que relaie aujourd'hui Stéphane Foucart, du Monde. En gros, les réactions de lecteurs à un article scientifique "neutre" (si si, il parait que ça existe) seraient différentes, suivant que cet article a suscité un forum "équilibré", ou un forum "trollé" par les "vitupérations habituelles", comme dit Foucart, qui semble en avoir gros sur la patate. Il est vrai que le rubricard scientifique du Monde, très engagé dans le combat contre le réchauffement climatique (notre émission ici), et par ailleurs sceptique sur la dangerosité des OGM (notre émission là), a dû dans ces deux dossiers se confronter à d'âpres "trollages". Sans trop s'avancer, on peut supposer que cela a orienté son propre regard sur le phénomène des forums.
Il est peut-être temps de ressusciter ce débat. On en connait les termes. En faveur des forums, le jaillissement d'une parole spontanée, non formatée par les filtres habituels, la mise à disposition d'informations passées, pour toutes sortes de raisons (subversives, complexes, ennuyeuses) sous les radars des medias traditionnels, des débats libres, une profusion de liens, qui tant de fois, sur ce site par exemple, nous ont donné des idées d'articles et d'émissions. L'irremplaçable énergie d'une communauté attentive, mobilisée, réactive, enthousiaste ou critique.
Mais les forums ont leurs revers. Outre le risque souligné par l'étude relayée par Foucart (étude dont les conclusions restent cependant à confirmer, sachons rigueur scientifique garder), un autre risque: celui de déteindre sur les contenus eux-mêmes. Le risque de placer le raisonnement, la démonstration, l'argumentation, l'enquête fouillée, à égalité (voire sous le contrôle) de l'ironie, de l'insulte, du harcèlement, de l'effet de meute, ou de tout cela à la fois. Attention: je ne dis pas que les premiers se trouvent exclusivement dans les contenus, et les seconds dans les forums. Je dis que les forums, en leur sein même, leur accordent égalité de statut. On n'écrit pas de la même manière, ni la même chose, du haut du piédestal d'un media traditionnel, ou le souffle des internautes sur la nuque. Tout le pari consiste à faire en sorte que toutes ces formes rhétoriques s'enrichissent et se fécondent, plutôt que de se stériliser. Vaste programme.
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