RN : des interviewés comme les autres ?
Et nous, les journalistes, dans tout ça ? A deux doigts de la prise de fonction possible d'un gouvernement d'extrême-droite, comment concilier journalisme et citoyenneté ? Je veux parler de ceux d'entre nous qui, en tant que citoyens, sont pleinement conscients, habités, hantés, par le péril démocratique que représente le RN, non seulement pour le pays en général, mais plus précisément pour les médias, pour l'information, pour eux-mêmes. Les autres, les bardella-compatibles, les indifférents, ne sont pas concernés par ces interrogations. Il y en a toujours eu. Il y en aura toujours.
Nous nous trouvons, en France, au coeur d' un événement inédit. Pour la première fois s'entrechoquent, assourdissantes, l'éthique journalistique et la conscience citoyenne. A la clé, des questions très concrètes. Jusqu'où nous autoriser à "tirer contre notre camp", en publiant des informations déplaisantes ou démotivantes sur ses lacunes, ses incohérences éventuelles, ses querelles internes ? Faut-il prendre position publiquement dans ce scrutin, à titre individuel ou dans nos médias ? En quels termes ? Jusqu'à présent, ces questions nous nous les posions tranquilles. On croyait avoir encore quelques années pour y réfléchir. Or, c'est demain. C'est aujourd'hui.
Pour les journalistes de presse écrite, la question est relativement simple. On écrit loin de son sujet. Ce n'est pas toujours facile quand on se retrouve ensuite face audit sujet, qui vous engueule, qui vous snobe, qui vous boycotte. Mais on gère ça avec le RN, comme on l'a toujours géré avec tous les interlocuteurs, toutes les sources, de toutes les organisations. L'exercice est plus compliqué sur un plateau, dans un studio, quand le candidat RN, celui qui demain attentera peut-être aux libertés en général, et aux conditions d'exercice de votre métier est là, en face de vous. Et quand toute marque d'agressivité, ou même d'inéquité à son égard, parce que telle est la loi de la télé, peut le poser en victime aux yeux de son propre public, voire au-delà.
La plupart des intervieweurs des grandes chaînes nationales semblent avoir implicitement répondu à la question : business as usual
. Les candidats RN sont traités comme les autres. Professionnalisme impeccable. Ethique en bandoulière. Point. Je ne cite pas de nom. C'est tous les jours, partout. Avec quelques exceptions comme cette objection, sur France Inter
le 28 mai dernier, de Sonia Devillers à Marion Maréchal, tête de liste de Reconquête!
aux Européennes, sur la question du genre et de la transphobie, à propos de la palme accordée à Cannes à la comédienne transgenre Karla Sophia Gascon :
Le blog Obsessions est publié sous la seule responsabilité de Daniel Schneidermann, sans relecture préalable de la rédaction en chef d'Arrêt sur images.
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