Trump-Zelinsky : les leçons de l'intégrale
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Trump-Zelinsky : les leçons de l'intégrale

Sans précédent au moins depuis 1945, l'altercation houleuse entre l'équipe Trump et le président Zelinsky, le 28 février, dans le mythique bureau ovale de la Maison Blanche, pose de nombreuses questions. Sur les suites géopolitiques de la nouvelle donne ainsi exhibée à la planète entière. Mais aussi sur l'enchaînement qui, d'une conférence de presse à l'origine destinée à marquer les positions de chacun avant la négociation proprement dite, aboutit à la rupture prématurée, et à l'annulation de toute séance de discussion -Zelinsky, après cette séance, a été prié de quitter la Maison Blanche.

Pour comprendre, il est nécessaire regarder la totalité de la conférence de presse, soit 50 minutes. Les 40 premières minutes, Trump et Zelinsky restent chacun dans son couloir. Trump s'accroche à son deal, et à un cessez-le-feu rapide. Zelensky insiste sur les garanties de sécurité, par les Etats-Unis, permettant le respect par la Russie de ce cessez-le-feu. Un dialogue de sourds, certes, mais qui reste, de part et d'autre, respectueux. 

A une exception près : la question du "journaliste" Brian Glenn demandant à Zelensky pourquoi il n'est pas habillé en costume, et si même...il possède un costume. Ex de FoxNews, Glenn travaille aujourd'hui à la télé trumpienne "La vraie voix de l'Amérique". Figure des "médias alternatifs MAGA", il remplace dans le pool de presse de la Maison Blanche l'agence historique Associated Press, exclue pour avoir refusé, dans ses dépêches, de rebaptiser le "golfe du Mexique" en "golfe de l'Amérique", selon la consigne de Trump. Les visiteurs internationaux de la Maison Blanche sont prévenus. Ils devront désormais, à chaque visite, subir les "questions" des "alternatifs MAGA", dispositif certainement propre à les intimider avant d'entrer en privé dans le vif du sujet.

"de quelle diplomatie parlez-vous ?"

La séance aurait pu se terminer ainsi, froidement mais correctement, et enchainer comme prévu sur une négociation à huis clos pour finaliser l'accord entre les deux pays. Mais à la quarantième minute, le vice-président J.D. Vance prend la parole pour défendre, entre l'Ukraine et la Russie, dit-il, une solution diplomatique, à l'inverse de ce qui s'est pratiqué sous les présidences précédentes. Vance : "Le chemin de la paix et de la prospérité passe par la diplomatie". "De quelle diplomatie parlez-vous ?" le reprend Zelensky, après avoir rappelé les multiples épisodes de non-respect de sa signature par Poutine. Vance, piqué :  "Je parle d'un genre de diplomatie qui pourrait arrêter la destruction de votre pays".

S'ensuit la série d'échanges plus frontaux, multidiffusés depuis 24 heures par toutes les chaines mondiales, scriptée et traduite ici par le site Le grand continent. Zelensky  : "Etes-vous déjà venu en Ukraine ?" Vance : "J'ai vu à la télévision que vous emmeniez les gens faire des tournées de propagande". Zelensky est attaqué son sur "irrespect" pour le président Trump, et même pour son bureau.  Vance : "Prenez-vous qu'il est respectueux de venir dans le bureau ovale, et d'attaquer l'administration qui essaie de prévenir la destruction d e votre pays ?"

Donc, Zelinsky n'est pas respectueux, il a étalé ses revendications devant les médias américains (mais qui donc a organisé cette séance ?), il n'a jamais remercié pour tous les bienfaits que l'Amérique a fait pleuvoir sur l'Ukraine. A son tour, Trump en rajoute : sans les Etats-Unis, l'Ukraine n'a "pas de cartes en mains" (répété plusieurs fois), et Zelensky "joue avec la troisième guerre mondiale".  Après dix minutes d'humiliations, Trump met fin à la séance, non sans constater que c'est "de la très bonne télévision".

Premier  constat, sur le fond : c'est Vance qui -ironie- défendant une solution diplomatique, fracasse le premier la bienséance diplomatique en accusant frontalement Zelensky d'irrespect, et de malhonnêteté (les "tournées de propagande"), ce que Trump s'était gardé de faire.

Second constat : chacun sait bien que des discussions tout aussi frontales se déroulent quotidiennement dans les sommets internationaux, depuis qu'ils existent. Mais à huis clos. La publicité donnée à cette altercation -en pleine conscience, par Trump, de son impact, comme il le reconnait au cours de l'échange- fige les positions, et transforme une dure négociation en affrontement politique implacable. Avec l'avantage -et l'inconvénient- de laisser voir dans leur crudité les positions des uns et des autres.

Le blog Obsessions est publié sous la seule responsabilité de Daniel Schneidermann, sans relecture préalable de la rédaction en chef d'Arrêt sur images.

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