Mot "erroné", réalité "erronée" ?
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Mot "erroné", réalité "erronée" ?

Tous les samedis, l'édito médias de Pauline Bock, cette semaine signé Paul Aveline, envoyé dans notre newsletter hebdomadaire gratuite, Aux petits oignons : abonnez-vous!

Un mot que personne, ou presque, ne veut entendre. Nous sommes sur BFMTV le 22 août, et le député LFI Louis Boyard répond à la dernière polémique en date impliquant sa collègue eurodéputée Rima Hassan (résumée ici). La discussion dérive inévitablement sur la situation à Gaza, et Boyard explique en substance que les Français ne soutiennent ni le Hamas ni le gouvernement israélien : "Vous n'avez pas de majorité dans la société française pour soutenir ce qui a été fait par le Hamas le 7-Octobre, tout comme vous n'avez pas de majorité dans la société française pour soutenir le génocide qui se déroule sous nos yeux (à Gaza donc, ndlr)". Et le député enchaîne : "À chaque fois qu'on vient dénoncer le génocide qui se passe en Palestine, on est criminalisé. Les gens racontent qu'on soutiendrait le Hamas, on les soutient pas. Ce qu'ils ont fait est horrible, tout comme ce qu'est en train de faire Israël est absolument horrible."

Puis, encore, le mot qui fâche : "La société française trouve que le génocide qui a lieu actuellement à cause du gouvernement israélien..." La journaliste de BFMTV, Maéva Lahmi, intervient finalement : "Déjà, le terme de «génocide», vous le savez très bien, est erroné." Boyard réplique : "Comment vous pouvez appeler ça autrement ? Les gens sont en train d'être affamés, il n'y a pas d'entrée de médicaments, des enfants sont en train de mourir". Lahmi : "Il y a une guerre avec des civils évidemment qui sont tués. Un drame qui se passe évidemment, mais le terme de génocide n'est pas un terme correct, vous le savez. C'est extrêmement cynique d'utiliser le terme de «génocide» qui a ciblé le peuple juif dans l'histoire, ç'a été le pire génocide de l'histoire de l'humanité. Choisir ce terme est extrêmement cynique, et extrêmement habile de votre part."

Le "débat" continue quelques secondes, et puis est finalement interrompu. Que la notion de génocide soit débattue, précisée, amendée, rectifiée, discutée est somme toute normal. Débat juridique et philosophique infini. Qu'elle soit balayée, dans le cas de Gaza, d'un revers de manche en quelques secondes sur un plateau de télé relève de la désinformation. Le terme serait "erroné". Une erreur bêtement commise par : sept rapporteurs de l'ONU dès novembre 2023 qui alertaient sur un "risque grave de génocide" Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l'ONU sur la Palestine ; Amnesty International qui s'alarme dès janvier de "signes alarmants" et en février d'un "risque de génocide" la Fédération internationale pour les droits humains ; Médecins Sans Frontières qui demande la fin des opérations pour "prévenir un génocide" ; les historiens spécialistes de l'Holocauste Raz Segal (qui parle d'un "cas d'école de génocide") et Omer Bartov ("Pourquoi la guerre à Gaza est un génocide") et l'historien spécialiste d'Israël Ilan Pappé.

Un autre encore, qui écrivait, dès novembre 2023 : "L'usage du terme «génocide» reste très limité en France, souvent mis entre guillemets par la presse, présenté comme excessif. En revenant pourtant au droit international, la pertinence du terme pour qualifier le massacre en cours depuis le 7 octobre à Gaza est limpide." Il s'appelle Ziad Majed et il est notre invité cette semaine. Une heure de discussion pendant laquelle il répond pied à pied à tous les arguments et démontre, point par point, pourquoi le mot de "génocide" doit, a minima, être sérieusement débattu à propos de Gaza. Il y a la destruction des vies, bien sûr, 40 000 victimes selon les derniers bilans qui ne veulent plus dire grand chose, mais aussi le reste : l'anéantissement de villes entières, de moyens de production, d'éducation, de travail, de transport. L'acharnement mis à empêcher l'aide d'arriver, les vivres, les médicaments, les vaccins. Et le traumatisme infligé à tout un peuple qui erre de "safe zone" en "safe zone", qui n'ont de "safe" que le nom. Un constat qui mérite mieux que quelques anathèmes balancés sur BFMTV.

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