Coupat et Le Monde, dans le texte
Le "geste médiatique" qu'il vient de co-produire avec Le Monde, en livrant depuis sa cellule une très longue analyse poético-politico-philosophique, restera dans les annales de la littérature carcérale. Car il y a bien coproduction. Le signe le plus tangible en est le fait que Le Monde y ait consacré une pleine page. Pour Le Monde, ce volume "fait sens", comme on dit. Une pleine page, comme à un homme d'Etat, un prix Nobel ou, jadis, aux discours de réception à l'Académie Française: par ce choix, Le Monde signifie quelque chose, mais quoi ?
Un indice supplémentaire est donné par les questions du Monde, finalement assez peu judiciaires, et très politico-théoriques. "Vous lisez Surveiller et punir, de Michel Foucault. Cette analyse vous parait-elle encore pertinente ?" "Que signifie pour vous le mot terrorisme ?" "Vous considérez-vous comme un intellectuel ou un philosophe ?" Et surtout cet extraordinaire effort de concision des deux journalistes sans doute entraînées malgré elles dans une vertigineuse compétition du lapidaire, cette question qui aurait pu être un titre durassien : "pourquoi Tarnac ?" C'est le genre de questionnaire que l'on aurait pu faire passer à Aung San Suu Kyi, à Mandela pendant sa détention, ou à n'importe quel détenu politique dans n'importe quelle dictature. Cela en dit long sur le bouleversement des repères, et sur le criant besoin de cris, capables de faire contrepoint au tumulte dominant.
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