150 citoyens tirés au sort vont-ils aider la France à prendre les mesures qui s'imposent contre le réchauffement climatique, ou cette "Convention citoyenne pour le climat" n'est-elle qu'un leurre à destination des médias et de l'opinion, condamnée d'avance par les limites qui lui sont posées ? Questions à nos deux invités : Cyril Dion, militant écologiste, réalisateur de Demain
et Après-demain
et garant de la Convention ; et Hervé Kempf, fondateur et rédacteur en chef du site indépendant écologiste Reporterre.
Le SMS de Macron à Marion Cotillard
Retour sur la genèse de l'initiative : tout commence en novembre dernier. Emmanuel Macron prend contact avec Marion Cotillard et Cyril Dion après avoir entendu les initiateurs de la pétition "l'Affaire du siècle" sur France Inter. "
Ça
m'intéressait de voir l'animal de près"
, raconte le réalisateur, qui le rencontre en février et lui soumet la revendication du collectif des Gilets Citoyens de lancer une assemblée tirée au sort ayant pour mission de faire des recommandations pour réduire les émissions de CO2. Mais à quoi s'engage au juste le gouvernement : à soumettre les propositions à un référendum, ou au vote parlementaire ? Ou simplement à "répondre publiquement"
aux conclusions de la Convention ?
"Instrumentalisation"
Hervé Kempf reproche à la Convention et aux Gilets citoyens d'avoir fourni à Emmanuel Macron un moyen "de sortir de la crise des Gilets jaunes"
, à un moment où le gouvernement était "massivement contesté"
. Fort des deux millions de signatures de sa pétition, Dion aurait plutôt pu, selon lui, en profiter pour obtenir des mesures concrètes et immédiates, par exemple pour renforcer la Loi Energie Climat.
Quel degré de liberté ?
Les citoyens tirés au sort auront-ils toute latitude pour adopter, par exemple, des mesures radicales de décroissance ? Cyril Dion détaille le fonctionnement de la Convention ainsi que le rôle des "personnes qualifiées" du comité de pilotage qui encadrera les discussions. "On rentrera dans les sujets par des controverses"
, explique-t-il. Par exemple : "Faut-il totalement sortir des énergies fossiles ou simplement les réduire?"
Pour Kempf, l'intérêt de la démarche dépendra de la possibilité de se prononcer sur des cas précis, comme le projet d'Europacity à Gonesse. Prudent, Cyril Dion ne prétend pas être certain du succès : "C'est un pari, une façon d'essayer autre chose. (...) C'est une forme de rapport de force qui a besoin d'être essayée".
"Serment d'Iena"
Si Hervé Kempf partage le rêve du philosophe Maxime Chédin de voir la convention "se déclarer souveraine"
et "jurer de ne pas se quitter avant d'avoir établi une fiscalité mettant fin aux inégalités qui sont la première source des désastres écologiques aujourd'hui"
, Cyril Dion ne croit pas à l'efficacité de ce genre de "coup d'éclat"
. Il mise plutôt sur la possibilité que les tirés au sort émettent des propositions "très radicales"
. Et si la démarche se transforme en mascarade ? Cyril Dion n'écarte pas cette éventualité : "Je suis là pour claquer la porte si c'est nécessaire".
Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.
Déjà abonné.e ? Connectez-vousConnectez-vous