En presse locale, "des choix éditoriaux en lien avec les propriétaires"
L'émission
  • Avec
    Pascal Gassiot et Aziliz Le Berre et Alexandre Joux et Alain Boscus
  • Presentation
    Loris Guémart
  • Préparation
    Adèle Bellot
  • Réalisation
    Antoine Streiff
Réservé à nos abonné.e.s

Et si, à force de se concentrer sur Vincent Bolloré, on en oubliait les autres ? Car il n'est pas seul à être milliardaire français et à posséder des tas de médias, avec des intentions plus ou moins louables. Mais les autres sont éclipsés, depuis quelques années, par le projet médiatique réactionnaire et sans égal du milliardaire breton. Du côté de la presse quotidienne régionale (abrégée en "PQR" à de nombreuses reprises dans cette émission), le paysage médiatique est moins uniformément marqué que les titres nationaux par la propriété de quelques milliardaires... qui sont d'ailleurs le plus souvent de "simples" multimillionnaires. Mais ce sont tout de même des propriétaires de quotidiens, qui se constituent des monopoles locaux dans la plupart des départements français. Dans son histoire, la presse locale française n'a jamais autant été concentrée. 

C'est le cas de la famille Baylet, propriétaire du groupe La Dépêche, qui inclut la Dépêche du Midi, Midi Libre et la République des Pyrénées, ainsi que la chaîne de télévision locale ViáOccitanie - avec le soutien financier direct du conseil régional d'Occitanie. Le président du groupe, Jean-Michel Baylet, est également un ex-ministre PRG et demeure un baron politique local. Avec quelles conséquence sur les contenus, et sur l'indépendance des rédactions ? Pour évoquer l'influence de la famille Baylet, nous recevons la journaliste de la Nouvelle République et représentante du bureau national du Syndicat national des journalistes (SNJ) Aziliz Le Berre ; le chercheur à l'université Aix-Marseille et directeur de son école de journalisme Alexandre Joux ; le membre du collectif toulousain "Pensons l'aéronautique pour demain" Pascal Gassiot ; ainsi que le membre du collectif opposé au projet A69 "La voie est libre" Alain Boscus

Une "ligne de démarcation" entre offre globale et détail du travail des journalistes ?

En février 2022, face à la commission d'enquête sur la concentration des médias, Jean-Michel Baylet indique qu'il discute "globalement du contenu" de la Dépêche avec son rédacteur en chef, mais que les journalistes "ont la liberté absolue et totale" sans "aucune intervention sur les contenus". Alexandre Joux souligne, dans les discours de Jean-Michel Baylet, une "ligne de démarcation qui a toujours existé" entre sa détermination d'une "offre éditoriale globale" et le fait d'"aller regarder dans le détail le travail des journalistes". S'intéresser à ce qui est publié dans son média "ne veut pas dire qu'il va nécessairement dire aux journalistes ce qu'ils doivent écrire", explique-t-il. Sauf que pour Aziliz Le Berre, cette démarcation "est beaucoup plus floue" au sein des rédactions, "quand un rédacteur en chef ou des responsables de rédaction vont faire le choix de laisser des journalistes couvrir certains événements ou pas", par exemple. Ou en choisissant de couvrir, ou non, tel ou tel sujet. "Ça peut être lié à des choix éditoriaux en lien avec le propriétaire du journal, tout simplement."

Autour de l'A69, "il y a aussi un choix de la direction"

La couverture du projet d'autoroute A69 par la Dépêche du Midi est fréquemment critiquée par ses opposant·es, notamment le collectif écologiste "La voie est libre", rappelle Alain Boscus. Ces opposant·es critiquent vivement la perspective des journalistes du quotidien de Castres, qui est proche de celle des élu·es et des milieux économiques. "Il y a aussi un choix de la direction de ne pas mettre les moyens sur ce thème-là, en disant : «Visiblement, on a un mouvement d'opposition qui se crée, visiblement, on a des questions environnementales à long terme qui se posent, construisons une équipe éditoriale qui va pouvoir s'emparer de tous ces sujets et traiter au long terme l'A69»", propose Aziliz Le Berre pour éviter une éventuelle collusion d'intérêts, volontaire ou involontaire, entre médias et pouvoirs locaux.

Les monopoles ont tué les lignes éditoriales

Face aux critiques de Pascal Gassiot pour le collectif "Pensons l'aéronautique pour demain", qui déplore que la Dépêche épouse le point de vue des milieux économiques et politiques toulousains sur la nécessité d'un développement le plus massif possible du secteur aérien, Alexandre Joux rappelle une conséquence importante du mouvement de concentration de médias locaux devenus monopolistiques : "Quand vous lisez le Figaro, vous savez que vous lisez un journal de droite, quand vous lisez Libération, vous savez que vous lisez un journal de gauche. Et la question, elle ne se pose pas, qu'il y ait une ligne éditoriale et que du coup, on va défendre certaines lignes plutôt que d'autres." Alors que la PQR de 2024 essaie "un peu de s'adresser à tout le monde", dit-il, selon ce qu'ils perçoivent de la neutralité... donc "en essayant de tenir l'équilibre entre ce qui est audible à un moment donné". Or, "en fonction des rapports de force qu'il y a dans la société, ce qui est audible, ce n'est pas la même chose au même moment".

Pour aller plus loin

- Nos articles sur la couverture de l'A69 par la Dépêche du Midi : lorsque la cellule investigation de Radio France a déploré la "fuite" dans une interview dans la Dépêche de leurs révélations à venir sur les liens financiers jusque-là démentis entre le laboratoire Pierre Fabre et l'A69, ou à l'occasion du traitement très différent entre France 3 et le quotidien régional de l'interpellation d'un militant écologiste du collectif "La voie est libre".

- Notre article de 2021 à propos du traitement des enjeux écologiques autour de l'aviation par la Dépêche.

- Nos articles rappelant différents épisodes politico-médiatiques locaux ou nationaux témoignant de l'influence de Jean-Michel Baylet sur la couverture de son journal : en 2020 à Tarbes, en 2017 pour mettre en valeur la candidate PRG Sylvia Pinel lors des primaires à gauche, toujours en 2017 pour flatter le ministre Baylet, en 2016 avec le maire de Toulouse, en 2014 à Montauban, ou la même année lorsque Jean-Michel Baylet avait perdu une élection sénatoriale.

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