Bettencourt : Le Point diffuse (légalement) une version détaillée
"Ordonner le retrait des documents servant de fondement à la publication d’informations légitimes et intéressant l’intérêt général reviendrait à exercer une censure contraire à l’intérêt public, sauf à ce que soit contesté le sérieux de la reproduction, ce qui n’est pas le cas en l’espèce", a jugé le tribunal.
Ces enregistrements sont également la cause du renvoi du procès, qui s'ouvrait aujourd'hui, opposant la fille de Liliane Bettencourt au photographe François-Marie Banier, qu'elle accuse d'abus de faiblesse sur sa mère.
Le feuilleton médiatique de ce début d'été est donc loin d'être fini. D'autant qu'il prend désormais la forme d'une pièce de théâtre, ou presque : dans son édition de la semaine, le Point offre un petit livret de 16 pages reprenant les passages les plus éloquents des 28 CD-Roms contenant les enregistrements pirates. Le 16 juin, le Point avait révélé en même temps que Mediapart, une parti de ces enregistrements, sans s'attarder sur les liens apparaissant entre l'héritière L'Oréal et le couple Woerth. Cette fois, tous les thèmes abordés lors des conversations piratées sont explorés en longueur par le Point.
En première page, sont présentés les six protagonistes qui prendront tour à tour la parole. Le décor (un chicissime hôtel particulier de Neuilly), les acteurs (grande bourgeoise fortunée, avocat, notaire et domestiques), les sujets de conversation (l'argent, les relations compliquées de "Madame" avec son favori, les signes envoyés du Château)… tout donne à penser à un vaudeville de bonne facture, Le Point poussant même l'obligeance jusqu'à donner des indications scéniques sur les entrées et sorties des protagonistes. Curieusement pour une retranscription d'enregistrements audio, le magazine souligne même à deux reprises qu'un des personnages sourit, dont une fois d'un "sourire gêné"…
Quelles nouveautés ? D'abord, il apparaît assez clairement que Mme Bettencourt est régulièrement dépassée par les événements. Elle ne se rappelle par exemple pas qui est son avocat ("-Le gros ? – Non, le grand avec une moustache, vous l'avez vu l'autre jour !")
Ses trous de mémoire apparaissent aussi plus clairement. Elle met ainsi plusieurs rendez-vous à comprendre qu'elle a cédé à Banier, via un montage financier, l'île d'Arros qui lui appartenait. Elle ne se souvient pas non plus en avoir fait son légataire universel.
Antisémitisme ?
Les retranscriptions laissent voir que ses conseillers tentent, pas toujours avec succès, de lui imposer leurs vues, notamment en essayant de lui faire signer un document accordant à de Maistre et à un ami d'enfance de Banier,le statut de "protecteurs" de la vieille dame au cas où elle serait reconnue médicalement en état de faiblesse. La chose lui est présentée comme l'assurance que sa fille n'obtiendra pas la tutelle sur elle, mais il n'est pas interdit d'envisager d'autres motivations moins avouables...
Au cours des enregistrements, on entend très régulièrement Liliane Bettencourt envisager de reprendre les actions L'Oréal qu'elle a déjà données à sa fille (en nue-propriété, c'est-à-dire que la mère conserve le bénéfice des dividendes). Réponse invariable de son homme de confiance: on peut essayer, mais "on verra quand le procès sera fini"…
Enfin, deux points nouveaux ne manqueront pas d'alimenter la chronique. D'abord, un dérapage au bord de l'antisémitisme lorsque de Maistre et Bettencourt parlent de John Elkann, nouveau patron de Fiat, et fringant héritier de la famille Agnelli. "C'est un nom juif", demande Bettencourt. "Oui, c'est bizarre, ils vont toujours là où il y a de l'argent", répond son employé en riant.
Reste un dialogue mystérieux, qui n'était pas apparu auparavant, à propos de Lindsay Owen Jones, président de L'Oréal. Banier fait référence à une lettre de la milliardaire, où il serait écrit de façon allusive qu'Owen Jones voulait se faire payer une somme d'argent "en Suisse". Pourquoi ? Cela n'est pas précisé, mais interrogé par le Point, le patron de L'Oréal a répondu via son avocat qu'il "contestait formellement" avoir reçu "quoi que ce soit à l'étranger, ni directement, ni indirectement, de la part de Mme Bettencourt".
Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.
Déjà abonné.e ? Connectez-vousConnectez-vous