Selon le rapport remis le 9 juillet dernier, l’enquête menée "a permis de déterminer que M. Tapie avait été pleinement associé aux opérations" (de revente, NDR) qui ont eu lieu en 1993. Tapie était donc au courant de toutes les tractations. Mais le rapport souligne une autre malversation en évoquant deux courriers adressés en 2001 et 2005 à Tapie par l’industriel Robert Louis-Dreyfus, candidat au rachat d’Adidas et aujourd’hui décédé. Dans l’une de ces missives, censées résumer les opérations, il est fait état d’une estimation d’Adidas à 670 millions d'euros, une formulation "inexacte" au début des négociations selon les policiers. En effet, tous les témoins, et même les proches de Tapie, s’accordent à dire qu'au moment des négociations, l'estimation ne dépassait pas les 320 millions d'euros. Le prix de 670 millions, qui sera finalement le prix d'achat d'Adidas par Louis-Dreyfus, a donc été artificiellement gonflé dans ce courrier très postérieur à la vente, pour faire croire que dès le départ Tapie aurait été floué. Et ce sont ces deux missives qui ont été remises au tribunal arbitral par Tapie, lequel a pu arguer pendant des années avoir été spolié par la banque. Le rapport regrette que "leur contenu inexact a été retenu par M. Estoup et ses co-arbitres, pour démontrer l'existence d'une vente au double par le Crédit lyonnais."
On peut cependant s’étonner, après les dizaines de rebondissements qui vont de l’escroquerie en bande organisée aux mises en examen de Christine Lagarde et de Stéphane Richard, et surtout après la multitude d’articles écrits sur le sujet, que la thèse chère à Tapie n’ait pas volé en éclat plus tôt. D’autant que Laurent Mauduit, journaliste à Mediapart et auteur d’un ouvrage copieux sur l’affaire, a souvent affirmé que cette thèse ne tenait pas. Dans un article daté du 26 décembre 2013 intitulé Le Crédit lyonnais n'a jamais berné Tapie : la preuve !, le journaliste a publié "un document signé de la main de Robert Louis-Dreyfus qui vient confirmer ce que de nombreux indices laissaient penser depuis longtemps. Contrairement à ce qu’il prétend, Bernard Tapie n’a jamais été abusé par le Crédit lyonnais lors de la vente du groupe de sports, en 1993, et cela, pour une raison que ce document révèle : les négociations en vue de la cession d’Adidas ont mis face à face non seulement le Crédit lyonnais et le pool d’acquéreurs, mais aussi – c’est ce qu’atteste ce document– «la société venderesse» (c’est-à-dire le groupe Tapie)."
Alors pourquoi la justice a-t-elle mis autant de temps pour en arriver à cette conclusion ? Gérard Davet, joint par @si, ignore si des enquêtes ont été menées sur cette question au moment de l’affaire, dans les années 90. Lui-même ne travaille que sur le dossier Tapie que depuis deux ans. Reste que l’enquête décidée par les trois magistrats saisis du problème de l'arbitrage vient mettre à mal la version de Tapie qui, selon Le Monde, "conteste vigoureusement ce rapport et réserve ses explications".