"Que Libé s'excuse!" "Libération a la mémoire sélective." "Les
anciens maos font tout pour oublier leur soutien passé aux Khmers
rouges." "Libé n'a jamais fait son aggiornamento." écrit sur un blog hébergé par ce quotidien, Arnaud Valerin, journaliste à Libération depuis 2000, "actuellement en charge de l'Asie au service étranger du quotidien".
"Depuis
des années, systématiquement, des lecteurs, des internautes ou des
personnes rencontrés lors de reportages ou d'interviews ne cessent de
rappeler la Une de Libération, le 17 avril 1975 (voir ci-contre). "Le drapeau de la résistance flotte sur Phnom Penh", titrait le quotidien créé deux ans plus tôt par des militants maoïstes et la Gauche prolétarienne".
Libération, le 17 avril 1975  |
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En
fait, c'est surtout la Une du lendemain qui témoigne
de la satisfaction de Libération et, rétrospectivement, fait mal. 24
heures après la prise de la capitale par les Khmers rouges, le journal
titre sur les
"sept jours de fête pour une libération".
Sans être présent au Cambodge, le journal rapporte que
"par dizaines de milliers, les habitants de Phnom Penh sont descendus
jeudi dans les avenues de la capitale pour accueillir les premières
unités des forces de libération".
Libération, le 18 avril 1975 ""Une guerre révolutionnaire à l'heure de la détente. Cette
formule résume l'originalité et le sens profond de la lutte de
libération nationale menée depuis cinq ans par le peuple camgodgien (sic) contre l'agression américaine", écrit Patrick Ruel le 17 avril."
"Quelques jours plus tard, il parlera de "calomnies" pour qualifier les premières informations rapportant des cas
d'exécutions et d'évacuations massives commises par les troupes de Pol
Pot."
"Depuis, Libération n'aurait donc rien dit sur les atrocités commises par les Khmers rouges (...)"
"C'est peut-être séduisant aux yeux de certains, mais c'est inexact.
Tardivement (sûrement), le journal a fait part de ses erreurs et de
ses égarements. C'était le 13 février 1985. Dans un long commentaire, Patrick Sabatier revenait sur sa "déchirure". Cette année-là, le journal consacrait plusieurs pages au très beau film de Roland Joffé, la déchirure, qui sortait en salles. "A trop avoir voulu "avoir raison" de cette guerre, on s'est laissé aveugler, on n'a rien vu, rien compris- ou presque", écrivait Patrick Sabatier."
En 1985 "Dix ans plus tard, il analyse: «Les spectateurs du film (la Déchirure, ndlr) apprécieront
la stupidité de l'auteur de ces lignes. Il a fallu la mort d'un ami aux
mains des Khmers rouges, la rencontre avec un Pin Yathai (auteur de l'Utopie meurtrière), puis
la visite des champs de la mort Khmers rouges et des camps de réfugiés
en Thaïlande, au lendemain de l'invasion vietnamienne (en janvier 1979, ndlr), pour
que je regarde en face la vérité de l'aveuglement qui avait été le mien
comme celui d'autres. Un aveuglement qui a ses raisons, mais n'a pas
d'excuse»"