"C'est une première en France" ! C'est Jean-Pierre Pernaut qui le dit sur TF1, jeudi 20 juin, à 13 heures. Et quelle est donc cette première ? "Un opposant qui manifestait lors du passage de François Hollande sur M6 dimanche soir a été condamné à deux mois de prison, ferme". Et d'ajouter : "il ne fait pas bon être hostile au mariage homosexuel". Et décidément, ce jour-là, ce dicton est très vrai aux yeux du présentateur de TF1 puisqu'il enchaîne sur Frigide Barjot "expulsée du logement qu'elle louait depuis une trentaine d'années". En fait, elle a fait de son logement le siège de sa société qui lui reversait un loyer de manière illégale. Une sous-location déguisée, en somme. Mais qui était le militant hostile au mariage pour tous mis en prison, "ferme" ? |
Il se prénomme Nicolas. L'histoire démarre dimanche soir, lorsque Nicolas est arrêté par la police sur les Champs-Elysées pour "dégradations volontaires" et "rébellion" puis placé en garde à vue. Quelques heures avant son interpellation, Nicolas se trouvait parmi les 1500 opposants au mariage pour tous venus attendre François Hollande devant le siège de M6, où le président de la République était l'invité de Capital. Plus tard, une centaine de manifestants plus téméraires (et hors du mot d'orde initial) que les autres se rendent sur les Champs-Elysées. Nicolas apparaît comme le leader de la bande, s'enfuit, avant de se réfugier dans un restaurant. C'est à ce moment là qu'il est interpellé par la police assez violemment.
Le deuxième acte a donc lieu mercredi, dès l'annonce de la condamnation de Nicolas en comparution immédiate. La toile s'embrase, partout sur les réseaux sociaux on trouve les mentions #prisonnierpolitique, Nicolas et une pétition est ouverte pour sa défense. Dans Une lettre ouverte, rédigée par le représentant du collectif Manif pour Tous, Jean-Pierre Delaume-Myard fait appel à la mansuétude du chef de l'Etat: " Monsieur le Président de la République, je vous demande dans votre grande sollicitude de faire un geste envers Nicolas pour que cela ne se termine pas par un drame dans la prison où il va être incarcéré et pour que sa vie ne soit pas à jamais gâchée". Valérie Pécresse y va aussi de son petit tweet et dit sa "révolte alors que les voyous de Grigny sont laissés en liberté".
"C'est incompréhensible au regard des droits de l'homme!" s'époumone Ludovine de la Rochère, qui aujourd'hui compte mener une action en justice contre l'Etat . Par ailleurs, un article du Figaro cite des paragraphes entiers de la lettre ouverte au président de la République.
Un comité de soutien en faveur de Nicolas organise même une manifestation dimanche 23 juin
Mais au fait pour quel véritable motif le jeune homme a-t-il été condamné ? D'après l'AFP, le jeune homme aurait refusé d'obtempérer et de se soumettre à un prélèvement ADN.
"Nicolas a été arrêté en premier lieu pour rébellion, ce qui est le plus grave au yeux de la loi , puis il a refusé de décliner son identité, en en donnant une imaginaire. Par la suite il a refusé le prélévement ADN. Ses parents ont dû être trouvés assez facilement, son identité a dû vite être démasquée ", détaille à @si Me Eolas, consulté sur le cas. Et l'avocat précise que pour comprendre l'affaire, il faut remonter au 28 mai 2013, la veille du dernier grand rassemblement manif pour tous.
Ce jour-là, Nicolas est interpellé une première fois. Il passe en comparution immédiate pour identité imaginaire et non dispersion après sommation. Il écope de 200 euros d'amende avec sursis. Le parquet fait appel, mais le jeune homme sort libre. Dimanche soir, donc, il est à nouveau placé en garde à vue. Et après sa condamnation, placé sous mandat de dépôt à Fleury-Mérogis. Selon Me Eolas, " il n'est pas utile pour lui de faire appel, il risque de voir sa peine s'allonger d'un mois. On ne peut pas considérer que la justice ai été trop clémente ou trop ferme, il aurait pu prendre jusqu'à deux ans ".
Pour Le Monde, Nicolas a été condamné "sur la base d'un arsenal de lois récentes". Si le journal estime cette condamnation "lourde", il cite néanmoins des condamnations comparables, dans des affaires présentant des points communs avec celle-ci. Autant de précisions auxquelles n'auront pas droit les spectateurs de Jean-Pierre Pernaut.
Par Charlotte Chauvinc
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