Exode jeunes : au Monde, le site contredit le journal
Décodons : "La France perd-elle plus de cerveaux que les autres ?". La réponse du Monde.fr à cette question est nuancée. Dans un article publié dans la rubrique "Les Décodeurs", le site avance une série de chiffres... qui ne permettent pas de démontrer qu'il y a bien une fuite. D'abord parce qu'il y a une "grande difficulté à disposer de chiffres fiables et complets sur l’émigration et ses raisons". Mais quand ils existent, ces chiffres ont tendance à relativiser ces fuites. Exemple : selon des chiffres Eurostat, cités par Lemonde.fr, "La France connaît moins d’émigration que le Royaume-Uni ou l’Espagne, moins peuplées". En outre, ces Français qui partent à l'étranger partent surtout... dans un autre pays européen. Pas étonnant donc, que le nombre de "cartes vertes" détenues par des Français, et permettant de vivre et de travailler aux Etats-Unis, reste stable. Verdict du Monde.fr avec tous ces graphiques ? Les données manquent. Et sur la base d'une étude du Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques (LIEPP) de Sciences-Po, Les Décodeurs concluent en expliquant que "la « fuite des cerveaux » (...) est loin d'être avérée".
Conclusion étonnante quand on se souvient qu'un mois plutôt, Le Monde papier avait titré exactement le contraire :
Des titres affirmatifs alors que l'article était beaucoup plus nuancé, comme l'atteste le sous-titre : "Les entreprises parlent de "fuites des cerveaux". Au Royaume-Uni, en Italie, en Allemagne, le mouvement est plus fort". Une nuance retrouvée dans l'article du Monde.fr.
Tout est dans le titre donc. Faut-il y voir l'illustration d'une dérive libérale de la direction de la rédaction du Monde (papier) ? Dans une enquête évoquant les tensions au sein du journal, le site Mediapart relatait une anecdote allant dans ce sens : "Lors du comité de rédaction du 20 mars, le critique cinéma Jacques Mandelbaum s’est publiquement étonné que le titre de son article sur un documentaire consacré à l’université américaine de Berkeley ait été modifié. Alors qu’en accord avec son chef de service, il avait titré sur une « une utopie rongée par le néolibéralisme », le mot « néolibéralisme » a disparu dans le journal, le titre évoquant finalement « une utopie menacée ». Interrogée, la directrice avait reconnu avoir supprimé elle-même le mot qui fâche". Tout est dit ?
Le virage néolibéral du Monde ? Elements de débats dans notre dossier : Monde : attention au virage.
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