La vérité sur une interview rêvée
Mais à notre légitime satisfaction s'est mêlée une certaine inquiétude, en recevant certaines de vos premières réactions à notre mail de présentation du livre.
Je passe sur des réactions attendues, du genre de celle-ci: "Finalement, il ne manque plus qu'un mensuel, une encyclopédie de l'antisarkoziste absolu ou encore un "sarkozy, pour les nuls". On pourrait aussi lancer une ligne de vêtements "I fuck sarkozy" ou du papier WC avec sa tête".
OK. Classique. Mais d'autres réactions m'ont inquiété. "Les réponses de Sarkozy sont déconcertantes, quasi-irréelles, j'ai envie d'y croire, et en même temps, surtout pas". Ou encore: "Juste une question : c'est une vraie interview ou un fake ? les première pages sont vraiment étonnantes. Trop ?" Ou enfin: " Est il la transcription d'une interview REELLE avec "l'homme fort" ??? si elle est reelle , c est proprement hallucinant ses reponses..."
A vrai dire, j'étais certain que le caractère de pastiche serait évident pour tout le monde. Mais l'ironie, le second degré, sont toujours des exercices à risque. Il ne faut jamais trop présumer de l'identité des références entre émetteur et récepteur d'un message, de la sensibilité à l'ironie de ceux qui vous lisent. Alors, puisqu'ambiguïté il y a, je vais vous confier un secret, à ne répéter à personne: oui, cette interview impossible est un pastiche ou, comme on dit aujourd'hui, un fake. Et si la lecture des extraits donnés sur le site a pu induire en confusion, eh bien je le prends comme un hommage au pasticheur.
C'est une interview idéale, celle que nous sommes sans doute quelques journalistes à rêver de faire un jour pour amener l'homme fort sortant à rendre des comptes. Mais nous ne la ferons jamais, l'accès au Chef étant limité à quelques stars triées sur le volet, sélectionnées pour, justement, les questions qu'elles ne poseront pas, les relances qu'elles ne feront pas. Tout est organisé, et tout le sera, pour que le président sortant ne soit jamais confronté à un véritable questionnement journalistique.
Puisque l'exercice est impossible dans la réalité, me suis-je dit, autant l'imaginer, et tant qu'à faire, en fixer les règles. Si je me trouvais en face de lui, avec tout le temps nécessaire, et une règle du jeu simple: l'échange, quoiqu'il arrive, sera publié dans son intégralité ? Quelles questions résumeraient le mieux le quinquennat, en quelques heures, et une centaine de pages ?
Buté, hostile, habile: au sommet de son art !
Pas de problème pour les questions, elles sont venues toutes seules. Les souvenirs les plus marquants d'un mandat très violent, insultant pour beaucoup d'entre nous, bousculant nos valeurs et nos représentations, nous faisant parfois nous sentir étrangers dans notre propre pays, sont revenus en masse. Il a suffi de laisser remonter les sidérations, les stupéfactions, les colères.
Restait à imaginer les réponses. Une interview réussie, c'est une rencontre, un match. Pour que le match soit spectaculaire, il fallait que l'interviewé soit à la hauteur. Je me suis donc demandé quelle serait, à chaque question, sa réponse la plus vraisemblable, et je l'ai rédigée sous sa forme la plus percutante. Je l'ai voulu au sommet de son art, parfois buté et hostile, parfois déroutant de sincérité, parfois très habile, au risque, parfois, qu'il remporte des victoires sur son questionneur. Et je dois avouer que plus d'une fois, il m'a séché, comme ce serait sans doute le cas si l'exercice avait lieu "en vrai". Au total, qui remporte le match ? Certains d'entre nous, dans l'équipe, en lisant le texte, ont craint de le voir parfois trop convaincant. Je ne sais pas si je dois prendre ça pour un compliment... Bref, si vous voulez vous faire une opinion par vous-même, et vous prémunir contre les éléments de langage de la campagne, (ce que je ne saurais trop vous conseiller) c'est par ici.
PS: à propos d'interview, mais des vraies, celles-ci, nous mettons en ligne ce week-end les versions intégrales de deux interviews de nos chroniques de la semaine. Je vous recommande l'intégrale de l'interview du gestionnaire de portefeuille-prophète de malheur Olivier Delamarche, par Maja Neskovic. A regarder sous douze couettes, avec un stock de pâtes et de riz dans le cellier. A écouter aussi, dans la dernière chronique d'Anne-Sophie Jacques, le dézingage intégral, avec de vrais soupirs à l'intérieur, d'une vidéo virale par l'économiste Henri Sterdyniak.
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