D'un 22 mars l'autre
De la difficulté du métier d'historien, et de la fragilité des témoignages. Comment raconter le "mouvement du 22 Mars", qui précéda de quelques semaines Mai 68 ? Libé
est allé rencontrer un témoin de premier plan, son co-fondateur et ex-directeur, Serge July. Dans son souvenir, les causes de l'occupation de l'université de Nanterre, le 22 mars 68, sont purement politiques. Une arrestation après une manif parisienne anti-guerre du Viet Nam, et hop, c'est parti.
Jusqu'ici, les récits médiatiques avaient plutôt privilégié une autre raison : une rebellion contre le réglement intérieur de la résidence universitaire, qui interdisait aux garçons de rendre visite aux filles dans leurs chambres. Rebellion dont la première manifestation fut une visite à Nanterre, pour inaugurer une piscine, du ministre de la Jeunesse et des Sports de l'époque, François Missoffe, ce jour-là interpellé par un étudiant en sociologie franco-allemand nommé Daniel Cohn-Bendit. "Monsieur le ministre, j’ai lu votre Livre blanc sur la jeunesse. En trois cents pages, il n’y a pas un seul mot sur les problèmes sexuels des jeunes."
Missoffe : "Avec la tête que vous avez, vous connaissez sûrement des problèmes de cet ordre. Je ne saurais trop vous conseiller de plonger dans la piscine"
. Cohn-Bendit : "Voilà une réponse digne des Jeunesses hitlériennes"
. Missoffe, dans les années précédentes, venait de mener une grande campagne de com' en direction de la jeunesse, sous le regard enamouré de la radio publique, France Inter. July n'a-t-il jamais eu vent de l'anecdote ? La considère-t-il trop anecdotique, au regard de la Grande Histoire ?
Dans cette même interview à Libé
, July révèle avoir voté Macron en 2017, et dès le premier tour, si on le comprend bien. Ah tiens ! Et que pense cet électeur macronien de la réforme du statut de cheminot, qui motive la journée de grève du 22 mars 2018, jour de parution de son interview ? La question n'est pas posée. Dommage. Elle aurait bien permis de prendre la mesure du demi-siècle écoulé.
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