L'axiome secret de Thomas Legrand
C'était le thème de l'édito de Thomas Legrand, retour de grève, sur France Inter. Je résume la pensée legrandienne : plus longtemps durera la grève reconductible, plus le PS se trouvera embarqué dans un mouvement qu'il ne maitrise pas, environné par les "ultras", cerné par les "surenchères", avec le risque de devoir, ensuite, au pouvoir, assumer un grand écart entre ce mouvement et une politique décevante, forcément décevante.
C'est un paradoxe intéressant, entièrement dicté par un axiome secret, accepté par la quasi-totalité des éditorialistes français : la réforme du gouvernement est la seule imaginable, les socialistes et les syndicalistes le savent bien, et souhaitent secrètement son adoption. Bravo ! Il faut encourager les éditorialistes en surpoids de lucidité. Il faut donc pousser jusqu'au bout les conséquences de l'axiome de Legrand. Révélons-le donc : le succès de cette mobilisation est un risque considérable pour les syndicats, entraînés dans l'impasse par leur base, et une jeunesse, également irresponsables.A cet égard, l'entrée des lycéens dans le mouvement est particulièrement préoccupante pour eux. Si Ségolène Royal, qui a compris le danger, appelle les jeunes à manifester, c'est évidemment dans le but, faisant fonction d'épouvantail, de les faire rentrer dans les lycées. Et si tous les lemmings de l'exécutif la traitent d'irresponsable, c'est au contraire dans le dessein inavoué de radicaliser la jeunesse.
Car plus le mouvement sera puissant, plus éclatant sera le triomphe final du gouvernement. L'essouflement des grèves en fin de semaine, qui permettrait l'adoption de la loi, serait une défaite pour lui, la bataille de l'opinion (l'essentielle) étant d'ores et déjà perdue. A l'inverse, plus longue sera la pénurie d'essence, plus on s'entre-tuera dans les files d'attente aux stations-service, plus durs seront les blocages des lycées, plus sa victoire finale (qui ne fait aucun doute, puisqu'il-ne-reculera-pas) apparaitra éclatante à l'électorat de droite. A cet égard, on notera le machiavelisme du pouvoir, qui agite le spectre de la suppression de l'ISF à quelques heures des manifestations, dans le but évident de les faire grossir encore.
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