Trois forcenés et leurs otages
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Trois forcenés et leurs otages

"Macron veut désigner les ministres des Affaires étrangères et des Armées. Mais il entend aussi choisir les occupants de l’Intérieur et de Bercy. C’est un des éléments qui coincent dans les contacts informels avec Cazeneuve." Cette  confidence, publiée par L'Opinion, est anonyme. Comme toutes les confidences anonymes, elle vaut ce qu'elle vaut, dans le festival quotidien des leurres et des ballons d'essai auto-dégonflables que les télés continues appellent "consultations d'Emmanuel Macron". Disons qu'elle est vraisemblable, et peut expliquer la réticence d'Emmanuel Macron, depuis quarante jours (je pars de la nomination de Lucie Castets, le 24 juillet) à trouver un nom de Premier ministre. Contrairement à ce qu'avance l'intéressé, ce ne serait pas la peur de l'instabilité politique, qui le retiendrait de se tourner vers le groupe arrivé en tête aux législatives, mais bien au contraire la peur de ce que pourrait réaliser un éventuel gouvernement de gauche, avant de tomber sous une motion de censure.

Le souci pour Macron, c'est qu'il n'a aucune solution alternative, hormis éventuellement un aléatoire appel à Bardella, pour un gouvernement qui bénéficierait de la neutralité bienveillante de la droite et d'une partie du bloc central. Mais Bardella, pas davantage que quiconque, n'aura envie de monter sur le Titanic. Au bout du bout, ou bien il reviendra à Castets, ou il n'aura plus d'autre solution que sa propre démission (qui ne réglera rien, par ailleurs, toute dissolution étant impossible avant juin prochain). Dans l'attente, c'est une sorte de forcené, qui occupe aujourd'hui l'Elysée, et a pris en otage la constitution tout entière. Dans de semblables défaites électorales, Mitterrand et Chirac, en 1986 et 1997, avaient lâché prise, et abandonné les commandes au camp victorieux (avant d'être réélus). Ainsi la vieille constitution gaullienne avait-elle démontré son étonnante plasticité. Macron préfère la saborder dans son apocalypse.

A propos de forcené,  la médaille d'or revient tout de même à Benjamin Netanyahu. Coincé entre la reconnaissance d'un risque de génocide par la Cour Internationale de Justice, et la menace d'un mandat d'arrêt international par la Cour Pénale Internationale, désavoué par trois millions d'Israéliens aujourd'hui en grève générale pour exiger une négociation avec le Diable pour un retour des otages survivants, il ne veut toujours rien voir, rien entendre -notez bien que je n'idéalise pas ces Israéliens, dont une bonne majorité souhaite à la fois le retour des otages et la poursuite des massacres, comme si c'était possible. Comme dit Todd, en Israël "on n'est qu'au début des choses pénibles. Les gens raisonnables émigrent, et ceux qui font leur alyah y vont parce que cet Israël radicalisé leur convient". Il rejoint ainsi, quant à l'avenir de l'Etat lui-même, le pessimisme d'un Rony Brauman, que je recevais l'hiver dernier.

Ces forcenés politiques ne sont pas seuls. Comme Trump depuis 2021 dans son déni de la défaite, ils prennent leur camp en otage, et dans le cas Netanyahu, par exemple, les institutions de ce qu'on appelle la communauté juive française. En témoigne, la semaine dernière, l'interview insensée du grand rabbin de France Haïm Korsia semblant souhaiter qu'Israël "finisse le boulot" (c'est à dire l'éradication du Hamas, comme si cet objectif avait le moindre sens concret). Ce rabbin de guerre a aussitôt  été soutenu par le président du CRIF Yonathan Arfi, et toute la machinerie habituelle à décréter antisémite les rares réactions indignées, comme celle du député Insoumis Aymeric Caron qui, après l'interview de Korsia, a annoncé son intention de saisir le parquet pour apologie de crimes de guerre). Même un esprit mesuré comme le titulaire de la revue de presse de France Inter Claude Askolovitch a semblé emporté. Dans le meilleur des cas, c'est un silence embarrassé qui a accueilli la tirade de Korsia.

Dans le registre bouffon du forcené preneur d'otage, je pourrais citer aussi Hanouna. Celui-là a déjà entraîné dans chute sa chaîne, C8, non renouvelée par l'ARCOM. Perdu pour perdu, il a manifestement décidé de faire de ses derniers mois sur C8, jusqu'en février prochain, une sorte Walhalla des crétins, en se filmant triomphalement hier soir à moto sur une piste cyclable, et en annonçant dans la foulée son intention de poursuivre l'ARCOM pour...harcèlement.  Par rapport aux deux autres, il serait presque rafraîchissant.


Le blog Obsessions est publié sous la seule responsabilité de Daniel Schneidermann, sans relecture préalable de la rédaction en chef d'Arrêt sur images.

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