René l'énervé, bouffon de la vingt-cinquième heure
, des BD, des vidéos virales, des photos détournées, un film (gentillet), on n'en avait pas encore fait un Opéra Bouffe. C'est fait, avec ce spectacle OVNI, René l'énervé, de Jean-Michel Ribes, au théâtre du Rond-Point, à Paris. C'est une expérience sans précédent de transposition des boursouflures du sarkozysme en "Opéra Bouffe et tumultueux". Et le fait que le théâtre soit situé à quelques centaines de mètres de l'Elysée ajoute au côté culotté de l'entreprise.
Un président replet qui n'a d'autre idéologie motrice que le jogging permanent, des socialistes ensommeillés, à peine réveillés de temps en temps par une diva qui brandit étendard et en appelle à la fraternité, un duo de traîtres d'ouverture réjouis, tout de rose vêtus, qui passent d'un camp à l'autre avec une belle collection de vestes, des fachos, des écolos: l'effet de sidération vient d'abord de la facilité avec laquelle notre scène politique est "opéra bouffable". Il suffit d'un déclic, de traverser une cloison de papier, d'un rien. Et si le spectacle, qui entremêle des moments jubilatoires et quelques tunnels, est réussi, c'est pour cette première raison: parce qu'il nous convainc facilement que le sarkozysme, tout haïssable et néfaste qu'il soit, fut d'abord ridicule. Trop facilement ? Oui. Si l'entreprise suscite aussi le malaise, c'est parce qu'elle est construite sur les décombres encore fumants de nos vaines indignations des quatre dernières années. "Voyez donc, nous dit Ribes, bouffon de la vingt-cinquième heure, ou presque: il suffisait d'en rire ! Et pire: on connaissait tous la recette depuis Offenbach !" Et on rit, dociles, parce qu'il n'y a plus d'autre solution, nous demandant vaguement si c'eût été courage ou lâcheté d'en rire plus tôt, d'en rire tout de suite, d'en rire en direct. Sorti de la salle, on reconsidère son univers environnant avec les lunettes de Ribes: mais oui, n'importe quel ministricule, éditorialiste, banquier, traître, est un personnage de Ribes en puissance. Tout est posture, et toute posture est digestible dans ce système de représentation de l'Opéra Bouffe doté, comme son nom l'indique, d'un estomac d'autruche. Et la crise écologique, et la faillite de l'Europe, et le chœur solennel permanent ("marchons, marchons, recapitalisons, recapitalisons") des ministres des finances et des banquiers centraux, quels tableaux !
Et comme les personnages se renouvellent ! Et comme la vie a de l'imagination ! Tiens, Valérie Trierweiler, par exemple, dont nous vous racontions hier l'émergence chahutée de première dame virtuelle (ne manquez surtout pas notre montage des questions de Fogiel à Hollande, encore un tableau pour Ribes). Avec ses deux chapeaux, elle était le mois dernier aux universités d'été du PS, à La Rochelle. Et je lis cette confidence (anonyme, il ne faut pas exagérer) de journalistes politiques, racontant à Emmanuelle Anizon, de Télérama, le malaise de la corporation, quand elle passait sans aucun problème de la chambre conjugale à la salle de presse. J'imagine le solo vibrant qu'elle aurait inspiré à Ribes. Vivement la suite !
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