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1996 : Umberto Eco nous parle d'Internet
Enthousiasme et scepticisme : ainsi voyait Internet dès 1996 Umberto Eco, mort d'un cancer le 19 février à l'âge de 84 ans. En amorce de notre série d'été sur les 20 ans d'Arrêt sur images, nous avons rediffusé l'an dernier une partie de l'émission diffusée le 30 mars 1996 consacrée à Internet. Pour explorer les potentialités de ce nouveau média, l'auteur du célèbre Le Nom de la rose était entouré par le journaliste du Monde Michel Tatu et par le sociologue Philippe Breton.
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[quote= « Umberto Eco : "Comme les théories du comique, les théories de la traduction sont faites par des gens qui n'ont jamais traduit de leur vie et, surtout, qui n'ont jamais été traduits" », interview par François Busnel, directeur du magazine Lire, L'Express, 1er décembre 2007.]
[...] Dans l'écriture narrative, propre au roman, vous avez le droit – et même le devoir – d'inventer. Mais cette question me déroute toujours. Elle me fait songer à l'histoire que racontait Alphonse Allais[1] sur cet homme qui avait une barbe fabuleuse. Un jour, une dame lui demande : "Mais, pour dormir, vous la mettez sous les draps ou sur les draps ? – Je n'y avais jamais pensé, Madame." Et notre homme, de ce jour, n'a plus jamais vécu en paix jusqu'à ce qu'il décide de couper sa barbe! Si je réponds à votre question, je risque bien de ne plus jamais écrire...
[...]
Savez-vous que toute ma vie j'ai rêvé d'écrire une théorie du comique? Maintenant, c'est passé: j'ai décidé de ne pas l'écrire, comme ça il y aura après ma mort des centaines de thèses de doctorat pour deviner ce qu'aurait été cette théorie...
[...]
1. « Rappelons, à propos de la mort de l’excellent humoriste, une anecdote que la Gazette a déjà contée et qui se rapportait à un voyage d’Alphonse Allais dans le pays de Charleroi.
M. J. Destrée était installé avec quelques amis à la terrasse d’un café, place de la Station, quand il vit passer Alphonse Allais.
– Toi ici ? Quel vent t’amène ?
– Question d’affaires, répondit Allais en prenant son air le plus grave et le plus préoccupé.
– Ah ! vraiment, tu vas te lancer dans les affaires ? questionna narquoisement le député.
– Pourquoi pas ? Vois-tu, mon cher, il vient un temps où l’homme le plus folâtre doit réfléchir. La littérature n’est guère lucrative ; elle m’a rapporté à peine de quoi constituer un petit capital que je vais faire fructifier dans l’industrie. Tel que tu me vois, je viens d’acheter une verrerie que je compte exploiter.
– Malheureux ! Où donc as-tu acquis la compétence nécessaire ?
– Par l’étude, cher ami.
Et le voici qui énumère, avec une abondance de termes techniques, tout l’outillage industriel d’une verrerie, donnant force détails sur la situation de l’établissement, la contenance du terrain, le nombre de bassins, de stracous, etc.
Destrée était stupéfait de trouver dans Allais un homme si bien informé des détails d’une affaire carolorégienne et il lui exprima son étonnement, tout en le félicitant de sa presque omniscience.
Allais accepta les compliments sans sourciller et continuait de citer des détails, quand Destrée s’aperçut qu’il lisait simplement une affiche de vente apposée, derrière lui, sur le mur du café et contenant précisément tous les détails qu’Allais venait d’énumérer ! »
« Alphonse Allais à Charleroi », La Gazette de Charleroi, 1er novembre 1905, p. 2.
[...] Dans l'écriture narrative, propre au roman, vous avez le droit – et même le devoir – d'inventer. Mais cette question me déroute toujours. Elle me fait songer à l'histoire que racontait Alphonse Allais[1] sur cet homme qui avait une barbe fabuleuse. Un jour, une dame lui demande : "Mais, pour dormir, vous la mettez sous les draps ou sur les draps ? – Je n'y avais jamais pensé, Madame." Et notre homme, de ce jour, n'a plus jamais vécu en paix jusqu'à ce qu'il décide de couper sa barbe! Si je réponds à votre question, je risque bien de ne plus jamais écrire...
[...]
Savez-vous que toute ma vie j'ai rêvé d'écrire une théorie du comique? Maintenant, c'est passé: j'ai décidé de ne pas l'écrire, comme ça il y aura après ma mort des centaines de thèses de doctorat pour deviner ce qu'aurait été cette théorie...
[...]
1. « Rappelons, à propos de la mort de l’excellent humoriste, une anecdote que la Gazette a déjà contée et qui se rapportait à un voyage d’Alphonse Allais dans le pays de Charleroi.
M. J. Destrée était installé avec quelques amis à la terrasse d’un café, place de la Station, quand il vit passer Alphonse Allais.
– Toi ici ? Quel vent t’amène ?
– Question d’affaires, répondit Allais en prenant son air le plus grave et le plus préoccupé.
– Ah ! vraiment, tu vas te lancer dans les affaires ? questionna narquoisement le député.
– Pourquoi pas ? Vois-tu, mon cher, il vient un temps où l’homme le plus folâtre doit réfléchir. La littérature n’est guère lucrative ; elle m’a rapporté à peine de quoi constituer un petit capital que je vais faire fructifier dans l’industrie. Tel que tu me vois, je viens d’acheter une verrerie que je compte exploiter.
– Malheureux ! Où donc as-tu acquis la compétence nécessaire ?
– Par l’étude, cher ami.
Et le voici qui énumère, avec une abondance de termes techniques, tout l’outillage industriel d’une verrerie, donnant force détails sur la situation de l’établissement, la contenance du terrain, le nombre de bassins, de stracous, etc.
Destrée était stupéfait de trouver dans Allais un homme si bien informé des détails d’une affaire carolorégienne et il lui exprima son étonnement, tout en le félicitant de sa presque omniscience.
Allais accepta les compliments sans sourciller et continuait de citer des détails, quand Destrée s’aperçut qu’il lisait simplement une affiche de vente apposée, derrière lui, sur le mur du café et contenant précisément tous les détails qu’Allais venait d’énumérer ! »
« Alphonse Allais à Charleroi », La Gazette de Charleroi, 1er novembre 1905, p. 2.
[quote= « Umberto Eco : « Les médias participent à la falsification permanente de l’information » », Les Échos.fr, 20 février 2016.]
[...] Le 21 décembre dernier, Umberto Eco [...] recevait Les Echos, chez lui à Milan, dans le cadre d’un entretien sur sa maison d’édition «La Nave di Teseo» (le navire de Thésée) créée à la suite du rachat de RCS Libri par Mondadori (groupe Berlusconi). [...] Ironie de l’histoire : le jour même de son décès : l’autorité de la Concurrence italienne (Antitrust) a décidé d’obliger Mondadori à céder les maisons d’édition Bompiani (éditeur historique d’Umberto Eco) et Marsilio pour éviter un abus de position dominante. Interview en grande partie inédite.
[...]
J’écris sur les journaux : je crois que les médias ont le droit de critiquer les médias. Toutes mes critiques au journalisme sont faites de l’intérieur. Cela fait 30 ans que je fais des essais sur les limites du journalisme. [...]
Que pensez-vous de Michel Houellebecq qui était publié chez Bompiani ?
Dans tous les cas, Michel Houellebecq est un cas. Comme éditeur, je le publierais même quand il fait des choses un peu exagérées. J’ai apprécié Soumission, spécialement parce qu’il parle tant de Huysmans. C’est en tout cas un livre intéressant: il n’est pas islamophobe mais francophobe. Mieux vaut Houellebecq à Modiano qui a toujours écrit le même livre. Mais il est vrai que c’est notre sort à tous. Même Dieu, après la Bible, il n’a plus rien fait d’intéressant.
[...]
[...] Le 21 décembre dernier, Umberto Eco [...] recevait Les Echos, chez lui à Milan, dans le cadre d’un entretien sur sa maison d’édition «La Nave di Teseo» (le navire de Thésée) créée à la suite du rachat de RCS Libri par Mondadori (groupe Berlusconi). [...] Ironie de l’histoire : le jour même de son décès : l’autorité de la Concurrence italienne (Antitrust) a décidé d’obliger Mondadori à céder les maisons d’édition Bompiani (éditeur historique d’Umberto Eco) et Marsilio pour éviter un abus de position dominante. Interview en grande partie inédite.
[...]
J’écris sur les journaux : je crois que les médias ont le droit de critiquer les médias. Toutes mes critiques au journalisme sont faites de l’intérieur. Cela fait 30 ans que je fais des essais sur les limites du journalisme. [...]
Que pensez-vous de Michel Houellebecq qui était publié chez Bompiani ?
Dans tous les cas, Michel Houellebecq est un cas. Comme éditeur, je le publierais même quand il fait des choses un peu exagérées. J’ai apprécié Soumission, spécialement parce qu’il parle tant de Huysmans. C’est en tout cas un livre intéressant: il n’est pas islamophobe mais francophobe. Mieux vaut Houellebecq à Modiano qui a toujours écrit le même livre. Mais il est vrai que c’est notre sort à tous. Même Dieu, après la Bible, il n’a plus rien fait d’intéressant.
[...]
Il y avait 114 entrées à la recherche d'Umberto Eco en 1996. 24 700 000 résultats aujourd'hui.
"ainsi voyait Internet dès 1996 Umberto Eco",
"L'entraille d'où c'est sorti encor est féconde.
"L'entraille d'où c'est sorti encor est féconde.
Pourquoi préciser qu'Umberto Eco est mort d'un cancer? Je ne vois pas bien le rapport entre le sujet de cette chronique et le cancer.
Bonne idée que de rediffuser cette émission avec Umberto Eco qui semble n'avoir pas tellement varié dans ses opinions
par la suite.
par la suite.
Grazie !
Très intéressant.
Très intéressant.
https://youtu.be/zqbGylVGUfQ
Oh mon dieu, 20 ans...
Oh mon dieu, 20 ans...
merci !