Charlie, deux jours après
Daniel est encore plus ébouriffé que d’habitude. Autour de la table, blêmes, les chroniqueurs d’alors d’Arrêt sur images : le journaliste Jean-Marc Manach, l'illustrateur Alain Korkos, l’humoriste Didier Porte ; et aussi Judith Bernard, la patronne de l’émission Hors-Série. L’enregistrement a lieu le vendredi 9 janvier 2015, à midi, alors même que les frères Kouachi, retranchés dans une imprimerie de Seine-et-Marne, sont encerclés par la police. Le massacre de Charlie Hebdo s'est déroulé 48 heures plus tôt. Leurs premiers mots ? Didier Porte évoque le nazisme, puisque sont associés ici, dit-il, “une idéologie et une sauvagerie”. Alain Korkos raconte son Cabu, un “père de substitution" qu’il n' a jamais rencontré mais qui l’a guidé toute sa jeunesse. Jean-Marc Manach retient le son sec de la kalachnikov tel qu’il l’a entendu sur une vidéo, et ne peut croire à la disparition de l’économiste Bernard Maris. Judith Bernard mentionne le Cabu de son enfance, celui du club Dorothée ; elle se sent “orpheline de cette libre pensée”. Voir cette émission aujourd’hui, alors que se déroule le procès Charlie à Paris, et après l’assassinat de Samuel Paty, c’est observer une forme de décalage - Manach croit, en réaction, à un 'revival de la caricature’ ; le djihadisme est associé au prolétariat ghettoïsé, on verra dans les années suivantes que c’est un peu plus compliqué - mais aussi une finesse d’analyse. Comme lorsque Judith Bernard explique que la religion est devenue identité dans un monde sans repères, et que les caricaturistes de Charlie n'avaient pas forcément saisi cette mutation. A voir, donc.