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La mort d'Emmett Till : autres temps, autres moeurs
Le 24 août 1955, une femme blanche nommée Carolyn Bryant accusa Emmett Till, un adolescent noir de quatorze ans originaire de Chicago en vacances dans l'État du Mississippi, de l'avoir sifflée et draguée dans l'épicerie où elle travaillait. Trois jours plus tard, le mari de la femme et son demi-frère frappèrent sauvagement le garçon au visage, l'abattirent d'un coup de pistolet dans la tête et jetèrent son corps dans la Tallahatchie River.
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Derniers commentaires
Je ne pense pas qu'il y ait des barrières indépassables qui font que la douleur de la mère d'Emmet Till soit incompréhensible pour une personne qui ne subit pas le racisme de par sa couleur de peau. L'injustice et la violence dans l'arbitraire, tout le monde peut s'en saisir et s'en émouvoir. Enfin peut-être pas tout le monde justement, mais il ne s'agit certainement pas de sentiments et d'expériences qui ne se vivent qu'à l'aune d'une couleur de peau.
Ceci étant, je comprends que la démarche de Dana Schutz choque. Il s'agit d'une artiste blanche, établie, qui n'a jamais abordé la question du racisme dans son oeuvre, qui fait une thune complètement dingue avec une toile qui prend pour sujet un événement icônique du mouvement des droits civiques qu'elle traite avec une non-challence incroyable. Sa réponse aux critiques est parlante : "I don’t know what it is like to be black in America, but I do know what it is like to be a mother. Emmett was Mamie Till’s only son. The thought of anything happening to your child is beyond comprehension." (J'ai trouvé ça sur Wikipedia)
Donc voilà. C'est une histoire de douleur maternelle. Du coup, la dimension raciste du crime et la colère d'une mère qui traîne le cercueil de son fils à travers tous les US pour le rouvrir à Chicago, à la face de la nation, ben ça passe à la trappe. Le gamin, il serait mort d'une chute dans les escaliers, tombé d'un pont ou électrocuté avec la prise du salon, on aurait compris la démarche. Là c'est un peu court. On peut se dire aussi que ça aurait fait moins de bruit, moins de thune. Ca pue le détour exoticisant d'une artiste blanche qui est bien consciente de l'accueil compassé et de la prime à la bien-pensance que recevra son travail.
Ceci étant, je comprends que la démarche de Dana Schutz choque. Il s'agit d'une artiste blanche, établie, qui n'a jamais abordé la question du racisme dans son oeuvre, qui fait une thune complètement dingue avec une toile qui prend pour sujet un événement icônique du mouvement des droits civiques qu'elle traite avec une non-challence incroyable. Sa réponse aux critiques est parlante : "I don’t know what it is like to be black in America, but I do know what it is like to be a mother. Emmett was Mamie Till’s only son. The thought of anything happening to your child is beyond comprehension." (J'ai trouvé ça sur Wikipedia)
Donc voilà. C'est une histoire de douleur maternelle. Du coup, la dimension raciste du crime et la colère d'une mère qui traîne le cercueil de son fils à travers tous les US pour le rouvrir à Chicago, à la face de la nation, ben ça passe à la trappe. Le gamin, il serait mort d'une chute dans les escaliers, tombé d'un pont ou électrocuté avec la prise du salon, on aurait compris la démarche. Là c'est un peu court. On peut se dire aussi que ça aurait fait moins de bruit, moins de thune. Ca pue le détour exoticisant d'une artiste blanche qui est bien consciente de l'accueil compassé et de la prime à la bien-pensance que recevra son travail.
En dépit de mes cheveux blonds
Mes frères
En dépit de mes cheveux blonds
Je suis Asiatique.
En dépit de mes yeux bleus
Je suis Africain.
Chez moi, là-bas, les arbres n’ont pas d’ombre à leur pied
Tout comme les vôtres, là-bas.
Chez moi, là-bas, le pain quotidien est dans la gueule du lion.
Et les dragons sont couchés devant les fontaines
Et l’on meurt chez moi avant la cinquantaine
Tout comme chez vous là-bas.
En dépit de mes cheveux blonds
Je suis Asiatique.
En dépit de mes yeux bleus
Je suis Africain.
Quatre-vingts pour cent des miens ne savent ni lire
ni écrire
Et cheminant de bouche en bouche les poèmes deviennent chansons.
Là-bas, chez moi, les poèmes deviennent drapeaux
Tout comme chez vous, là-bas.
Nazim Hikmet
Mes frères
En dépit de mes cheveux blonds
Je suis Asiatique.
En dépit de mes yeux bleus
Je suis Africain.
Chez moi, là-bas, les arbres n’ont pas d’ombre à leur pied
Tout comme les vôtres, là-bas.
Chez moi, là-bas, le pain quotidien est dans la gueule du lion.
Et les dragons sont couchés devant les fontaines
Et l’on meurt chez moi avant la cinquantaine
Tout comme chez vous là-bas.
En dépit de mes cheveux blonds
Je suis Asiatique.
En dépit de mes yeux bleus
Je suis Africain.
Quatre-vingts pour cent des miens ne savent ni lire
ni écrire
Et cheminant de bouche en bouche les poèmes deviennent chansons.
Là-bas, chez moi, les poèmes deviennent drapeaux
Tout comme chez vous, là-bas.
Nazim Hikmet
LE LEVER DU JOUR EN ALABAMA
Quand je serai devenu compositeur
J’écrirai pour moi de la musique sur
Le lever du jour en Alabama
J’y mettrai les airs les plus jolis
Ceux qui montent du sol comme la brume des marécages
Et qui tombent du ciel comme des rosées douces
J’y mettrai des arbres très hauts très hauts
Et le parfum des aiguilles de pin
Et l’odeur de l’argile rouge après la plume
Et les longs cous rouges
Et les visages de couleur de coquelicots
Et les gros bras bien bruns
Et les yeux pâquerettes
Des Noirs et des Blancs des Noirs des Blancs et des
Noirs
Et j’y mettrai des mains blanches
Et des mains noires des mains brunes et des mains jaunes
Et des mains d’argile rouge
Qui toucheront tout le monde avec des doigts amis
Qui se toucheront entre elles ainsi que des rosées
Dans cette aube harmonieuse
Quand je serai devenu compositeur
Et que j’écrirai sur le lever du jour
En Alabama.
Langston Hughes
Quand je serai devenu compositeur
J’écrirai pour moi de la musique sur
Le lever du jour en Alabama
J’y mettrai les airs les plus jolis
Ceux qui montent du sol comme la brume des marécages
Et qui tombent du ciel comme des rosées douces
J’y mettrai des arbres très hauts très hauts
Et le parfum des aiguilles de pin
Et l’odeur de l’argile rouge après la plume
Et les longs cous rouges
Et les visages de couleur de coquelicots
Et les gros bras bien bruns
Et les yeux pâquerettes
Des Noirs et des Blancs des Noirs des Blancs et des
Noirs
Et j’y mettrai des mains blanches
Et des mains noires des mains brunes et des mains jaunes
Et des mains d’argile rouge
Qui toucheront tout le monde avec des doigts amis
Qui se toucheront entre elles ainsi que des rosées
Dans cette aube harmonieuse
Quand je serai devenu compositeur
Et que j’écrirai sur le lever du jour
En Alabama.
Langston Hughes
Je ne comprends pas ces protestations contre cette œuvre. Un être humain a fait une peinture pour exprimer la souffrance d'un autre être humain. En quoi un être humain de la même couleur de peau que la victime serait il plus légitime pour faire cette œuvre ?
Ne va t on autoriser que les ados noirs américain de sexe masculin et nés en 1950 à faire une peinture sur le thème ?
Je ne me sens ni noir ni blanc ni vert. Je me sens humain. Un autre humain est mort, assassiné par des humains fous qui croyaient que votre couleur de peau définie ce que vous êtes. Cela m'attriste profondément. Et je trouve terrible que d'autres fous m'interdisent de m'attrister parce qu'ils croient que la couleur de la peau définie ce que l'on est.
Ne va t on autoriser que les ados noirs américain de sexe masculin et nés en 1950 à faire une peinture sur le thème ?
Je ne me sens ni noir ni blanc ni vert. Je me sens humain. Un autre humain est mort, assassiné par des humains fous qui croyaient que votre couleur de peau définie ce que vous êtes. Cela m'attriste profondément. Et je trouve terrible que d'autres fous m'interdisent de m'attrister parce qu'ils croient que la couleur de la peau définie ce que l'on est.
Les partisans du concept d'appropriation culturelle devraient avoir honte: ils ne sont ni anglo-saxons, ni nord-américains, mais pillent avec toute l'impudence qui caractérise les européens colonialistes, l'un des marqueurs culturels états-uniens les plus foireux.
Profitons d'une des dernières chroniques pour un lien musical.
Content, cher Alain Korkos, d'apprendre que "tous les artistes noirs ne sont pas forcément des crétins bornés ethnocentrés". Pas forcément ?
Et, contrairement aux commissaires du Whitney Museum, ne peut-on penser que certaines questions devraient être "explorées" prioritairement ailleurs que dans des musées ?
Et, contrairement aux commissaires du Whitney Museum, ne peut-on penser que certaines questions devraient être "explorées" prioritairement ailleurs que dans des musées ?
Puisque un blanc ne peut décemment écrire sur tout ce qui touche de près ou de loin à tout ce qui touche au racisme, colonialisme et autres massacres, pas plus que sur une culture qui ne lui serait pas liée "biologiquement"," écologiquement", je me dis qu'il va lui être difficile de se saisir de certaines matières.
A la rigueur il lui reste le Moyen-Age mais sans les croisades comme de bien entendu. La légende arthurienne il peut, les légendes et histoires vikings c'est bon.
Il y a bien également la mythologie grecque et romaine, ainsi que l'histoire ancienne (vivent les péplums! ça ne sera pas pour me déplaire). Même s'il y a toujours la problématique de l’hellénisme.
Par exemple, si un blanc veut adapter Les Ethiopiques d'Héliodore, comment va-t-il s'y prendre ? Héliodore serait, d'après les dernières études(cf Les Belles-Lettres), un prêtre, ou fils de prêtre d'Hélios, vivant en actuelle Syrie, de langue et culture grecques au III° siècle. Seul un moyen-oriental aurait le droit moral d'écrire et/réaliser un tel film ?
L'histoire du roman, elle-même, pose d'autres épineuses questions. En Ethiopie (pas l'actuelle, mais un territoire/royaume situé au sud de l'Egypte+Soudan), un couple royal noir enfante une petite fille blanche (sosie conforme d'une lointaine ancêtre blanche). La reine, craignant d'être accusée d'adultère et sa fille de bâtardise). L'enfant est déclarée morte, élevée dans sa prime enfance par un prêtre noir qui lui-même la confie à un prêtre grec qui l'adopte. Elle s'enfuie avec son amoureux blanc avec l'aide d'un prêtre égyptien et après moults péripéties retrouve sa famille biologique qui la reconnait comme leur enfant unique et la place sur le trône (après l'avoir mariée à son amant)
Mince ! Cette histoire d'un jeune couple blanc écrite par un syrien, et dont une grosse partie de l'action se passe en Afrique au milieu de "racisés" et, qui va prendre la suite d'un couple royal noir ne sera-t-elle pas ressentie comme profondément raciste ? Sans compter qu'on ne sait pas qui aurait le droit d'écrire les répliques des personnages égyptiens, éthiopiens et perses ?
Non, l'antiquité c'est vraiment compliquée; on risque de blesser quelqu'un dans son identité.
Bon, bah, on en revient donc au Moyen-age...ah non ! ça ne marche pas non plus, si l'action est méditerranéenne, il risque d'y avoir des noirs, des arabes, des kabyles (liste non exhaustive).
On ne s'en sort plus, dîtes donc !
P'tête la SF...à creuser...
Plus sérieusement, je ne savais pas que l'anti-racisme en était là, qu'il avait repris à son compte, et à ce point le différentialisme de certains courants d'extrême droite, et qu'il avait fait sienne la citation de Joseph de Maistre "Or, il n'y a point d'homme dans le monde.J'ai vu dans ma vie des Français, des Italiens, des Russes, etc. Je sais même, grâce à Montesquieu, qu'on peut être Persan; mais quant à l'homme, je déclare ne l'avoir jamais rencontré de ma vie; s'il existe c'est bien à mon insu."
A la rigueur il lui reste le Moyen-Age mais sans les croisades comme de bien entendu. La légende arthurienne il peut, les légendes et histoires vikings c'est bon.
Il y a bien également la mythologie grecque et romaine, ainsi que l'histoire ancienne (vivent les péplums! ça ne sera pas pour me déplaire). Même s'il y a toujours la problématique de l’hellénisme.
Par exemple, si un blanc veut adapter Les Ethiopiques d'Héliodore, comment va-t-il s'y prendre ? Héliodore serait, d'après les dernières études(cf Les Belles-Lettres), un prêtre, ou fils de prêtre d'Hélios, vivant en actuelle Syrie, de langue et culture grecques au III° siècle. Seul un moyen-oriental aurait le droit moral d'écrire et/réaliser un tel film ?
L'histoire du roman, elle-même, pose d'autres épineuses questions. En Ethiopie (pas l'actuelle, mais un territoire/royaume situé au sud de l'Egypte+Soudan), un couple royal noir enfante une petite fille blanche (sosie conforme d'une lointaine ancêtre blanche). La reine, craignant d'être accusée d'adultère et sa fille de bâtardise). L'enfant est déclarée morte, élevée dans sa prime enfance par un prêtre noir qui lui-même la confie à un prêtre grec qui l'adopte. Elle s'enfuie avec son amoureux blanc avec l'aide d'un prêtre égyptien et après moults péripéties retrouve sa famille biologique qui la reconnait comme leur enfant unique et la place sur le trône (après l'avoir mariée à son amant)
Mince ! Cette histoire d'un jeune couple blanc écrite par un syrien, et dont une grosse partie de l'action se passe en Afrique au milieu de "racisés" et, qui va prendre la suite d'un couple royal noir ne sera-t-elle pas ressentie comme profondément raciste ? Sans compter qu'on ne sait pas qui aurait le droit d'écrire les répliques des personnages égyptiens, éthiopiens et perses ?
Non, l'antiquité c'est vraiment compliquée; on risque de blesser quelqu'un dans son identité.
Bon, bah, on en revient donc au Moyen-age...ah non ! ça ne marche pas non plus, si l'action est méditerranéenne, il risque d'y avoir des noirs, des arabes, des kabyles (liste non exhaustive).
On ne s'en sort plus, dîtes donc !
P'tête la SF...à creuser...
Plus sérieusement, je ne savais pas que l'anti-racisme en était là, qu'il avait repris à son compte, et à ce point le différentialisme de certains courants d'extrême droite, et qu'il avait fait sienne la citation de Joseph de Maistre "Or, il n'y a point d'homme dans le monde.J'ai vu dans ma vie des Français, des Italiens, des Russes, etc. Je sais même, grâce à Montesquieu, qu'on peut être Persan; mais quant à l'homme, je déclare ne l'avoir jamais rencontré de ma vie; s'il existe c'est bien à mon insu."
Esthétiser le visage massacré d'Emmet Till, c'est comme esthétiser un corps de juif gazé à Auschwitz - est-ce que des artistes allemands contemporains l'ont essayé ?
Begnini a fait quelque chose qui s'en rapproche mais sur un mode comique en 1997. Je crois et cela a suscité la polémique.
Des patineurs russes ont adapté le film en mode "holocauste on ice" il y a peu et la ça a été la légitime consternation.
Dont celle de maître Korkos.
Begnini a fait quelque chose qui s'en rapproche mais sur un mode comique en 1997. Je crois et cela a suscité la polémique.
Des patineurs russes ont adapté le film en mode "holocauste on ice" il y a peu et la ça a été la légitime consternation.
Dont celle de maître Korkos.
Je comprends M. Korkos que vous soyez piqué au vif par la polémique où est évoquée la destruction d'une oeuvre d'art, mais cette réaction que l'on peut estimer outrancière ne peut être instrumentalisée pour disqualifier tous les enjeux légitimes liés à l'appropriation culturelle pour lesquels je pensais pourtant que vous étiez particulièrement bien placé pour nous apporter un regard distancié et érudit. Je serai curieux de savoir comment quelqu'un comme Marwan Mohammed, que vous aviez cité lors de l'inique procès que vous avait intenté Le Point, interpréterait la polémique.
Beaucoup de choses ont été déjà dites à juste titre par Hakim, Olivier et Makno, mais je me sens obligé d'en rajouter encore une couche par rapport à la comparaison que fait AK entre Emmett Till d'une part et Sacco/Vanzetti d'autre part.
Il y a un fossé entre les deux car même si le fait que Sacco et Vanzetti aient été italiens aient joué incontestablement, ils ont été d'abord condamnés en tant que militants, militants anarchistes dans un contexte où au tournant du XXème siècle, le Président Français, le Président du Conseil Espagnol et le roi d'Italie ont été tués par des militants anarchistes italiens; et que la même année en 1920, l'attentat de Wall Street a fait 38 morts et un groupe anarchiste italien est aussi soupçonné. Sacco et Vanzetti, même si innoncents du crime dont ils sont accusés, sont poursuivis comme étant des militants engagés dans la mouvance anarchiste radicale, et non parce qu'ils sont des immigrés italiens lambda.
Rien à voir avec Emmet Till qui est un garçon sans histoire de 15 ans, dont le seul tort est d'être né noir et de le porter sur son visage. A la différence de Sacco et Vanzetti, il n'a pas droit à un procès puisqu'il se fait massacrer. Il se fait massacrer pour ce qu'il est, comme les juifs pendant la Shoah, et pas pour ce qu'il fait, comme Sacco et Vanzetti, et ça fait une sacrée différence.
Et en conséquence c'est tout aussi hors de propos de comparer le fait qu'un américain d'origine juive et russe aient fait le portrait des cercueils de Sacco et Vanzetti, parce que c'étaient des militants (indépendamment de leur origine), que les Italiens comme les Juifs et les Russes n'ont jamais subi aux Etats-Unis de lois esclavagistes ou discriminatoires qui les aient privés de l'essentiel de leurs droits voire de leur humanité sur la base de leur physique ou de leur origine, et parce que l'enjeu de représentation du visage torturé d'Emmett Till n'a rien à voir avec celui de Sacco et Vanzetti (les autorités à l'époque voulaient enterrer immédiatement le cadavre du garçon pour éviter qu'on voit l'état de son visage). Esthétiser le visage massacré d'Emmet Till, c'est comme esthétiser un corps de juif gazé à Auschwitz - est-ce que des artistes allemands contemporains l'ont essayé ?
Enfin un dernier mot par rapport à l'expérience de mère que vous évoquez également. Dans les articles liées à la polémique, Dana Schutz a indiqué que certes elle n'avait pas l'expérience de vivre en tant que noir aux Etats-Unis, mais qu'elle avait l'expérience d'être mère, et que c'est en se projetant à partir de cette expérience qu'elle s'est impliquée émotionnellement dans la réalisation du tableau.
Et bien ça... c'est exactement le début de la négation de l'expérience propre aux noirs en mettant sur le même plan la douleur de toute mère qui perd son enfant qu'elle qu'en soit la raison, et celle de la mère noire qui perd son enfant parce qu'il est noir comme elle (et qu'il n'a pas les mêmes droits que les blancs). Est-ce la même émotion que celle de perdre son enfant dans un accident de la route? Le suggérer, consciemment ou non, c'est aller vers une dépossession qui vise à priver d'une histoire et d'une conscience collective, pour les noyer dans l'ordre dominant des choses, et ainsi désarmer politiquement.
Beaucoup de choses ont été déjà dites à juste titre par Hakim, Olivier et Makno, mais je me sens obligé d'en rajouter encore une couche par rapport à la comparaison que fait AK entre Emmett Till d'une part et Sacco/Vanzetti d'autre part.
Il y a un fossé entre les deux car même si le fait que Sacco et Vanzetti aient été italiens aient joué incontestablement, ils ont été d'abord condamnés en tant que militants, militants anarchistes dans un contexte où au tournant du XXème siècle, le Président Français, le Président du Conseil Espagnol et le roi d'Italie ont été tués par des militants anarchistes italiens; et que la même année en 1920, l'attentat de Wall Street a fait 38 morts et un groupe anarchiste italien est aussi soupçonné. Sacco et Vanzetti, même si innoncents du crime dont ils sont accusés, sont poursuivis comme étant des militants engagés dans la mouvance anarchiste radicale, et non parce qu'ils sont des immigrés italiens lambda.
Rien à voir avec Emmet Till qui est un garçon sans histoire de 15 ans, dont le seul tort est d'être né noir et de le porter sur son visage. A la différence de Sacco et Vanzetti, il n'a pas droit à un procès puisqu'il se fait massacrer. Il se fait massacrer pour ce qu'il est, comme les juifs pendant la Shoah, et pas pour ce qu'il fait, comme Sacco et Vanzetti, et ça fait une sacrée différence.
Et en conséquence c'est tout aussi hors de propos de comparer le fait qu'un américain d'origine juive et russe aient fait le portrait des cercueils de Sacco et Vanzetti, parce que c'étaient des militants (indépendamment de leur origine), que les Italiens comme les Juifs et les Russes n'ont jamais subi aux Etats-Unis de lois esclavagistes ou discriminatoires qui les aient privés de l'essentiel de leurs droits voire de leur humanité sur la base de leur physique ou de leur origine, et parce que l'enjeu de représentation du visage torturé d'Emmett Till n'a rien à voir avec celui de Sacco et Vanzetti (les autorités à l'époque voulaient enterrer immédiatement le cadavre du garçon pour éviter qu'on voit l'état de son visage). Esthétiser le visage massacré d'Emmet Till, c'est comme esthétiser un corps de juif gazé à Auschwitz - est-ce que des artistes allemands contemporains l'ont essayé ?
Enfin un dernier mot par rapport à l'expérience de mère que vous évoquez également. Dans les articles liées à la polémique, Dana Schutz a indiqué que certes elle n'avait pas l'expérience de vivre en tant que noir aux Etats-Unis, mais qu'elle avait l'expérience d'être mère, et que c'est en se projetant à partir de cette expérience qu'elle s'est impliquée émotionnellement dans la réalisation du tableau.
Et bien ça... c'est exactement le début de la négation de l'expérience propre aux noirs en mettant sur le même plan la douleur de toute mère qui perd son enfant qu'elle qu'en soit la raison, et celle de la mère noire qui perd son enfant parce qu'il est noir comme elle (et qu'il n'a pas les mêmes droits que les blancs). Est-ce la même émotion que celle de perdre son enfant dans un accident de la route? Le suggérer, consciemment ou non, c'est aller vers une dépossession qui vise à priver d'une histoire et d'une conscience collective, pour les noyer dans l'ordre dominant des choses, et ainsi désarmer politiquement.
Pour un manichéisme nuancé : Sachons comprendre les racistes, qui comme les électeurs de la Pen, sont des souffrants comme les " petits blancs" ( fonds électoral de Godwin en 1933) Votons Macron, seule synthèse du bien et du mal. Méluche est trop philosophe pour être président.
Whaaa, on lit des choses qui font mal ici...
Autant on peut se poser des questions sur la stratégie d'Hannah Black, essayer de comprendre ses motivations et s'intéresser aux questions d'appropriation culturelle et de comment lutter pour l'émancipation, autant la réaction d'Alain Korkos est révélatrice de truc carrément pas cool...
[quote=Alain Korkos]Hannah Black, en revanche, pourra continuer de pratiquer son art qui consiste notamment à utiliser des visages de Blancs.
Et ? C'est quoi le problème ? Est-ce que vous pensez sincèrement que des blancs qui s'approprient une culture d'un groupe qu'ils ont colonisé/réduit en esclavage/discriminé ça revient au même que des noirs qui s'approprient une culture blanche ?
[quote=Alain Korkos]fuck l'article premier de la déclaration universelle des droits de l'homme : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » Liberté, égalité, fraternité, tout ça, bullshit, comme on dit à Limoges quand on a des lettres.
Bah ouais, bullshit, c'est beau en théorie mais allez expliquer au noir que le racisme c'est dépassé, qu'on est tous et toutes égaux, et fraternel par dessus ça !
[quote=Alain Korkos]Que chacun reste dans sa communauté ceinte de hauts murs surmontés de barbelés, les moutons noirs ou blancs seront bien gardés
[quote=Faab]communautaro-sectaire
C'est fou, dès que des personnes opprimés se regroupent entre elles pour se renforcer, se protéger, se sécuriser on les taxe de "communautaire" ou pire de "sectaire", c'est vrai que les hommes blancs hétéro n'ont pas besoin de ça, le monde est à eux... alors dès qu'un espace se crée sans qu'ils soient les bienvenus ça pose un problème...
[quote=Alain Korkos]l'histoire de l'esclavage et de la ségrégation est commune aux Noirs et aux Blancs américains, et que la souffrance est universelle
"La souffrance est universelle", là je dois pas comprendre, le colon partagerait la souffrance du colonisé ? Le flic blanc meurtrier partage sans doute la souffrance de la famille et de toutes les personnes qui s'identifie à la victime ? Sérieusement ?
Et je passe sur les "crétins bornés ethno-centrés", Olivier l'a déjà évoqué...
Autant on peut se poser des questions sur la stratégie d'Hannah Black, essayer de comprendre ses motivations et s'intéresser aux questions d'appropriation culturelle et de comment lutter pour l'émancipation, autant la réaction d'Alain Korkos est révélatrice de truc carrément pas cool...
[quote=Alain Korkos]Hannah Black, en revanche, pourra continuer de pratiquer son art qui consiste notamment à utiliser des visages de Blancs.
Et ? C'est quoi le problème ? Est-ce que vous pensez sincèrement que des blancs qui s'approprient une culture d'un groupe qu'ils ont colonisé/réduit en esclavage/discriminé ça revient au même que des noirs qui s'approprient une culture blanche ?
[quote=Alain Korkos]fuck l'article premier de la déclaration universelle des droits de l'homme : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » Liberté, égalité, fraternité, tout ça, bullshit, comme on dit à Limoges quand on a des lettres.
Bah ouais, bullshit, c'est beau en théorie mais allez expliquer au noir que le racisme c'est dépassé, qu'on est tous et toutes égaux, et fraternel par dessus ça !
[quote=Alain Korkos]Que chacun reste dans sa communauté ceinte de hauts murs surmontés de barbelés, les moutons noirs ou blancs seront bien gardés
[quote=Faab]communautaro-sectaire
C'est fou, dès que des personnes opprimés se regroupent entre elles pour se renforcer, se protéger, se sécuriser on les taxe de "communautaire" ou pire de "sectaire", c'est vrai que les hommes blancs hétéro n'ont pas besoin de ça, le monde est à eux... alors dès qu'un espace se crée sans qu'ils soient les bienvenus ça pose un problème...
[quote=Alain Korkos]l'histoire de l'esclavage et de la ségrégation est commune aux Noirs et aux Blancs américains, et que la souffrance est universelle
"La souffrance est universelle", là je dois pas comprendre, le colon partagerait la souffrance du colonisé ? Le flic blanc meurtrier partage sans doute la souffrance de la famille et de toutes les personnes qui s'identifie à la victime ? Sérieusement ?
Et je passe sur les "crétins bornés ethno-centrés", Olivier l'a déjà évoqué...
Joli chronique, mais...
"Cela dit, tous les artistes noirs ne sont pas forcément des crétins bornés ethnocentrés"...
Ca dégaine un peu violemment, là.
Vos "crétins bornés ethno-centrés" vivent dans un pays on ne leur fait aucun cadeau et ça ne va pas en s'arrangeant. Le "crétin" a toute latitude sociale politique et sociétale pour ne pas l'être, c'est la définition que je me fais du mot. Ici, on ne peut pas parler de "crétins bornés ethno-centrés". Ce n'est pas du black power, c'est bien plus désespéré que ça. Ce sont des mots durs dans un pays où chaque mois des policiers blancs sont blanchis d'avoir tué des enfants noirs. A défaut d'accepter, comprenez que l'on suggère des solutions radicales de règles dans la lutte, ça n'a rien de crétin.
Je pourrais dire de mon point de vue de Français, mec, blanc, de gauche gauche, que je les désapprouve, ces paroles de séparation. Mais ce serait ne pas comprendre la moitié de l'histoire.
Que cette peinture d'une grande beauté puisse être tenue pour de la condescendance du Blanc, c'est comme ça, c'est compréhensible. Et si je dis que c'est regrettable, même si je le pense, j'ai l'impression de perdre mon temps et d'en faire perdre aux autres.
Je ne suis pas sûr que les "crétins bornés ethno-centrés" soient contre l'aide des blancs. Des lois réprimant le racisme institutionnel et une marche de millions de WASP contre les crimes racistes policiers ne devraient pas susciter de Tweets énervés de la part de Hannah Black.
En France aussi, on voit des "crétins bornés ethno-centrés" là où il n'y a que des militants qui ont trois réflexions d'avance sur les blancs de gauche comme moi. Le "Camp d'été «décolonial» interdit aux blancs - Le Figaro" alors qu'il n'était question de parler que du racisme des institutions contre les minorités en est le meilleurs exemple. Serais-je alors victime de mon angélisme, de la haine de soi ? Là aussi, ne perdez pas votre temps avec moi, les gars...
Il faut dépasser la provocation contenue dans les propos de Hannah Black ou Houria Boutedjla pour comprendre de quoi elles parlent exactement. De nous, elles parlent de nous. Pas uniquement de l'État, de Zemmour et des flics, mais aussi de nous, simples citoyens, fans de funk, lecteurs de James Baldwin, fondu de Public Enemy. Et elles nous disent que nous les honkey, on n'y est pas encore. Sûr que ce n'est jamais plaisant à entendre.
Mais si on veut rester dans sa zone de confort, alors "crétins bornés ethno-centrés" est parfait.
"Cela dit, tous les artistes noirs ne sont pas forcément des crétins bornés ethnocentrés"...
Ca dégaine un peu violemment, là.
Vos "crétins bornés ethno-centrés" vivent dans un pays on ne leur fait aucun cadeau et ça ne va pas en s'arrangeant. Le "crétin" a toute latitude sociale politique et sociétale pour ne pas l'être, c'est la définition que je me fais du mot. Ici, on ne peut pas parler de "crétins bornés ethno-centrés". Ce n'est pas du black power, c'est bien plus désespéré que ça. Ce sont des mots durs dans un pays où chaque mois des policiers blancs sont blanchis d'avoir tué des enfants noirs. A défaut d'accepter, comprenez que l'on suggère des solutions radicales de règles dans la lutte, ça n'a rien de crétin.
Je pourrais dire de mon point de vue de Français, mec, blanc, de gauche gauche, que je les désapprouve, ces paroles de séparation. Mais ce serait ne pas comprendre la moitié de l'histoire.
Que cette peinture d'une grande beauté puisse être tenue pour de la condescendance du Blanc, c'est comme ça, c'est compréhensible. Et si je dis que c'est regrettable, même si je le pense, j'ai l'impression de perdre mon temps et d'en faire perdre aux autres.
Je ne suis pas sûr que les "crétins bornés ethno-centrés" soient contre l'aide des blancs. Des lois réprimant le racisme institutionnel et une marche de millions de WASP contre les crimes racistes policiers ne devraient pas susciter de Tweets énervés de la part de Hannah Black.
En France aussi, on voit des "crétins bornés ethno-centrés" là où il n'y a que des militants qui ont trois réflexions d'avance sur les blancs de gauche comme moi. Le "Camp d'été «décolonial» interdit aux blancs - Le Figaro" alors qu'il n'était question de parler que du racisme des institutions contre les minorités en est le meilleurs exemple. Serais-je alors victime de mon angélisme, de la haine de soi ? Là aussi, ne perdez pas votre temps avec moi, les gars...
Il faut dépasser la provocation contenue dans les propos de Hannah Black ou Houria Boutedjla pour comprendre de quoi elles parlent exactement. De nous, elles parlent de nous. Pas uniquement de l'État, de Zemmour et des flics, mais aussi de nous, simples citoyens, fans de funk, lecteurs de James Baldwin, fondu de Public Enemy. Et elles nous disent que nous les honkey, on n'y est pas encore. Sûr que ce n'est jamais plaisant à entendre.
Mais si on veut rester dans sa zone de confort, alors "crétins bornés ethno-centrés" est parfait.
Reste à savoir comment on fait évoluer les choses et c'est mal parti si les bonnes intentions, seraient-elles maladroites, sont combattues avec véhémence. Là, dire à une artiste qu'elle n'a pas le droit de rendre hommage à une victime du racisme au prétexte qu'elle serait blanche, ça me semble aller dans le sens inverse de ce qu'on veut. Au moins pour Bouteldja, son discours est bien celui du dépassement des clivages raciaux, et le résultat de cette action m'a plutôt l'air de renforcer l'idée d'un militantisme noir racialiste, tenant autant à cet identitaire-là qu'y tiennent des blancs.
Reste à savoir qui est ce "on" qui va faire évoluer les choses. Ce ne sera pas Dana Schutz et sa peinture. Ca ne suffira pas. Surtout si elle est exposée dans un musée, lieu des choses qui n'existent plus alors que des Noirs sont régulièrement tué par la police américaine.
Alors qui est ce "on" ? Soit toute la population américaine soudainement concernée, soit des militants noirs puisque la première possibilité n'existe pas. Donnons-nous alors le droit de comprendre qu'ils veulent édicter certaines règles qui ne nous plairont pas à nous les Blancs.
Quant à combattre avec véhémence, c'est bien le moins. King a combattu avec véhémence.
Quant à Bouteldja, si on parvient à bien la lire (et la relire et l'écouter) elle n'est surtout pas pour un militantisme noir racialiste. De fait, tout le monde veut pouvoir vivre paisiblement et anonymement dans son pays sans être la cible de l'État.
Quant au militantisme identitaire blanc en France, il est bien théorisé et enraciné depuis des lustres, du sol populaire au plafond de quelques institutions. A côté des autres militantismes, c'est du Premium. Et puis bon, nationalisme blanc dans un pays de Blancs, ça aide.
Alors qui est ce "on" ? Soit toute la population américaine soudainement concernée, soit des militants noirs puisque la première possibilité n'existe pas. Donnons-nous alors le droit de comprendre qu'ils veulent édicter certaines règles qui ne nous plairont pas à nous les Blancs.
Quant à combattre avec véhémence, c'est bien le moins. King a combattu avec véhémence.
Quant à Bouteldja, si on parvient à bien la lire (et la relire et l'écouter) elle n'est surtout pas pour un militantisme noir racialiste. De fait, tout le monde veut pouvoir vivre paisiblement et anonymement dans son pays sans être la cible de l'État.
Quant au militantisme identitaire blanc en France, il est bien théorisé et enraciné depuis des lustres, du sol populaire au plafond de quelques institutions. A côté des autres militantismes, c'est du Premium. Et puis bon, nationalisme blanc dans un pays de Blancs, ça aide.
La question est : quels militants ?
Entre Bouteldja prônant un dépassement des constructions coloniales et des suprémacistes noirs s'inventant une mythologie d'un "peuple noir", il y a de sacrés différences.
Et si je dis que ça ne peut pas fonctionner en France comme aux USA, c'est que là-bas, il y a une culture "noire" comme sorte de culture créole ou de culture minoritaire d'oppression, de ghetto comme les Juifs de l'Est (yiddish etc.) alors qu'en France, nous avons une immigration africaine avec des cultures africaines et des diasporas restant en lien avec les pays : quand on vient du Sénégal, du Mali, du Cameroun etc. avec cultures peul, bantou etc., on n'est pas d'un "peuple noir" issu du regard de l'esclavagiste blanc et quand il suffit de traverser la méditerranée pour retourner au bled, on n'est pas coupé de ces histoires particulières.
Peut-être qu'à force d'amnésie, éventuellement voulue par les gouvernants, des désignés comme "immigrés de n-ième génération" finissent par se rapprocher de la situation des noirs américains, réduits à des clichés sur "les-noirs-et-les-arabes" de ghetto, mais en tout état de cause, il y a d'autres voies en France que celles des Etats-unis pour ces luttes. Si on se met à faire comme Zemmour et à penser que Kanak ou Malien c'est pareil, que c'est juste "des noirs", on est mal parti.
D'ailleurs sur les limites de la construction "peuple noir" quand on est là où il y a des peuples qu'on dit de "noirs" : Xénophobie en Afrique du Sud avec chasse aux étrangers.
C'est presque plus facile d'identifier dans certains coin un "peuple blanc", c'est-à-dire un statut minoritaire basé sur des clichés, un "tous pareil" appliqué aux blancs même si le cliché est bien souvent associé à de la supériorité avec auto-infériorisation par des populations ne voyant que des dominants (touristes, humanitaires, expatriés etc.).
Entre Bouteldja prônant un dépassement des constructions coloniales et des suprémacistes noirs s'inventant une mythologie d'un "peuple noir", il y a de sacrés différences.
Et si je dis que ça ne peut pas fonctionner en France comme aux USA, c'est que là-bas, il y a une culture "noire" comme sorte de culture créole ou de culture minoritaire d'oppression, de ghetto comme les Juifs de l'Est (yiddish etc.) alors qu'en France, nous avons une immigration africaine avec des cultures africaines et des diasporas restant en lien avec les pays : quand on vient du Sénégal, du Mali, du Cameroun etc. avec cultures peul, bantou etc., on n'est pas d'un "peuple noir" issu du regard de l'esclavagiste blanc et quand il suffit de traverser la méditerranée pour retourner au bled, on n'est pas coupé de ces histoires particulières.
Peut-être qu'à force d'amnésie, éventuellement voulue par les gouvernants, des désignés comme "immigrés de n-ième génération" finissent par se rapprocher de la situation des noirs américains, réduits à des clichés sur "les-noirs-et-les-arabes" de ghetto, mais en tout état de cause, il y a d'autres voies en France que celles des Etats-unis pour ces luttes. Si on se met à faire comme Zemmour et à penser que Kanak ou Malien c'est pareil, que c'est juste "des noirs", on est mal parti.
D'ailleurs sur les limites de la construction "peuple noir" quand on est là où il y a des peuples qu'on dit de "noirs" : Xénophobie en Afrique du Sud avec chasse aux étrangers.
C'est presque plus facile d'identifier dans certains coin un "peuple blanc", c'est-à-dire un statut minoritaire basé sur des clichés, un "tous pareil" appliqué aux blancs même si le cliché est bien souvent associé à de la supériorité avec auto-infériorisation par des populations ne voyant que des dominants (touristes, humanitaires, expatriés etc.).
Peu importe si l'origine n'est pas commune, il y a un commun qui peut rester largement partagé, c'est les conséquences de la colonisation, l'expérience de la Françafrique qui perdure, des discriminations en matière de police, de travail ou d'habitat... Avec des nuances importantes mais un commun bien réel.
Ce qui est commun, c'est justement que Zemmour (et d'autres avec lui) met tout le monde dans le même sac. Ce qui appelle une réaction politique commune.
Ce qui est commun, c'est justement que Zemmour (et d'autres avec lui) met tout le monde dans le même sac. Ce qui appelle une réaction politique commune.
Le commun est relatif au ressenti. Les mouvements anti-racistes "culturels", touche pas à mon pote et autres, ont achoppé sur les réalités socio-économique et territoriales de ségrégation avec aujourd'hui une situation où Valeurs Actuelles saute sur l'occasion de délégitimer des luttes avec ce genre de choses : En plein direct, Sonia Mabrouk dézingue le patron du CCIF.
Qui est dans le commun avec qui ?
Qui est dans le commun avec qui ?
Faab dit:
Le commun est relatif au ressenti. Les mouvements anti-racistes "culturels", touche pas à mon pote et autres, ont achoppé sur les réalités socio-économique et territoriales de ségrégation avec aujourd'hui une situation où Valeurs Actuelles saute sur l'occasion de délégitimer des luttes avec ce genre de choses : En plein direct, Sonia Mabrouk dézingue le patron du CCIF.
Qui est dans le commun avec qui ?
C'est vrai ça, qui est dans le commun avec qui ?
Bernard Antony parlant du chef d'oeuvre émancipateur de Bouteldja
Le commun est relatif au ressenti. Les mouvements anti-racistes "culturels", touche pas à mon pote et autres, ont achoppé sur les réalités socio-économique et territoriales de ségrégation avec aujourd'hui une situation où Valeurs Actuelles saute sur l'occasion de délégitimer des luttes avec ce genre de choses : En plein direct, Sonia Mabrouk dézingue le patron du CCIF.
Qui est dans le commun avec qui ?
C'est vrai ça, qui est dans le commun avec qui ?
Bernard Antony parlant du chef d'oeuvre émancipateur de Bouteldja
Encore une confusion des problèmes...
La question n'est pas l'attachement aux héritages, elle est celui des oppressions, des dominations. Pour prendre un exemple bien d'chez nous lié à la présidentielle : quand Jean Lassalle est entré à l'école, sa langue était le béarnais. L'Etat lui a dit qu'il devait la perdre.
Aujourd'hui, dans nos aimables médias, on se complait à rire de son accent. Finkielkraut n'aime pas entendre des sonorités venues de l'arabe, Zemmour voudrait qu'il soit interdit de donner un prénom arabe aux enfants, et la question de "la terre et les morts" de Barrès n'était pas que culturelle, c'était une affaire d'Etat, la définition de la citoyenneté par ça.
A-t-on aujourd'hui une égalité de fait entre les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion, ou bien les discriminations sont bel et bien toujours là en dépit de la loi ?
La question est donc de savoir si on va indexer les droits, la citoyenneté, l'identité de "vrai français" à une normativité culturelle, si on va se mettre à faire des lois pour régir l'affectif, forcer à aimer ou détester.
C'est ça la pensée d'extrême-droite du XIXe, l'Etat-nation conçu comme état ethnique, l'obligation à faire des gaulois ses ancêtres et à prendre double ration de frites quand il y a du porc à la cantine, la religion catholique dominante etc.
Ca a été aussi une opposition dans les luttes des noirs américains entre ceux en restant aux droits civils et ceux se construisant une ethnicité jusqu'à un séparatisme à la Black Panther pas si éloigné de l'apartheid.
Ce que Bouteldja et d'autres vont faire de leur situation, je ne sais pas, mais elle me semble avoir une pleine intelligence de ces questions et quand elle parle de la fin du "Blanc" qui sera aussi la fin du "Noir" au profit de l'Humain, ça me semble aller dans le sens des universalismes humanistes : en finir avec les catégories de la colonisation, les représentations de supériorité/infériorité humiliant tant de gens renvoyés à l'idée qu'ils seraient barbares dès lors qu'ils seraient différents d'un modèle de "civilisation" définit par le dominant, le fort.
Le plouc du Béarn, l'indigène d'Algérie, la culture mesurée à la taille des palais (de Versailles), la taille des bibliothèques, les ors d'une Académie et son dictionnaire, c'est au final une culture de la force, une culture où on se rira d'un illettré à moitié nu assis dans son champ, serait-il un Gandhi de tradition orale.
L'Etat soucieux du respect de ses citoyens dans leur singularité et dans leurs héritages collectifs, valorisant les richesses culturelles traditionnelles ou nouvelles, luttant contre les discriminations, très bien. L'Etat se faisant juge de la "civilisation", imposant sa norme comportementale, les apparences, les goûts et les couleurs, limitant la pensée à un "roman national" et prônant l'amnésie de ce qui n'est pas né dans ses frontières, on sait ce que ça peut donner.
La question n'est pas l'attachement aux héritages, elle est celui des oppressions, des dominations. Pour prendre un exemple bien d'chez nous lié à la présidentielle : quand Jean Lassalle est entré à l'école, sa langue était le béarnais. L'Etat lui a dit qu'il devait la perdre.
Aujourd'hui, dans nos aimables médias, on se complait à rire de son accent. Finkielkraut n'aime pas entendre des sonorités venues de l'arabe, Zemmour voudrait qu'il soit interdit de donner un prénom arabe aux enfants, et la question de "la terre et les morts" de Barrès n'était pas que culturelle, c'était une affaire d'Etat, la définition de la citoyenneté par ça.
A-t-on aujourd'hui une égalité de fait entre les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion, ou bien les discriminations sont bel et bien toujours là en dépit de la loi ?
La question est donc de savoir si on va indexer les droits, la citoyenneté, l'identité de "vrai français" à une normativité culturelle, si on va se mettre à faire des lois pour régir l'affectif, forcer à aimer ou détester.
C'est ça la pensée d'extrême-droite du XIXe, l'Etat-nation conçu comme état ethnique, l'obligation à faire des gaulois ses ancêtres et à prendre double ration de frites quand il y a du porc à la cantine, la religion catholique dominante etc.
Ca a été aussi une opposition dans les luttes des noirs américains entre ceux en restant aux droits civils et ceux se construisant une ethnicité jusqu'à un séparatisme à la Black Panther pas si éloigné de l'apartheid.
Ce que Bouteldja et d'autres vont faire de leur situation, je ne sais pas, mais elle me semble avoir une pleine intelligence de ces questions et quand elle parle de la fin du "Blanc" qui sera aussi la fin du "Noir" au profit de l'Humain, ça me semble aller dans le sens des universalismes humanistes : en finir avec les catégories de la colonisation, les représentations de supériorité/infériorité humiliant tant de gens renvoyés à l'idée qu'ils seraient barbares dès lors qu'ils seraient différents d'un modèle de "civilisation" définit par le dominant, le fort.
Le plouc du Béarn, l'indigène d'Algérie, la culture mesurée à la taille des palais (de Versailles), la taille des bibliothèques, les ors d'une Académie et son dictionnaire, c'est au final une culture de la force, une culture où on se rira d'un illettré à moitié nu assis dans son champ, serait-il un Gandhi de tradition orale.
L'Etat soucieux du respect de ses citoyens dans leur singularité et dans leurs héritages collectifs, valorisant les richesses culturelles traditionnelles ou nouvelles, luttant contre les discriminations, très bien. L'Etat se faisant juge de la "civilisation", imposant sa norme comportementale, les apparences, les goûts et les couleurs, limitant la pensée à un "roman national" et prônant l'amnésie de ce qui n'est pas né dans ses frontières, on sait ce que ça peut donner.
[…] Houria Boutedjla pour comprendre de quoi elles parlent exactement. De nous, elles parlent de nous.
Mais pas de moi, c’est dommage.
Mais pas de moi, c’est dommage.
ouch la conclusion, dans la même phrase
"l'histoire de l'esclavage et de la ségrégation est commune aux Noirs et aux Blancs américains" et "la souffrance est universelle"
c'est un peu la porte ouverte à des trucs comme "All lives Matters"
Le sujet n'est pas si simple en fait.
Autant appeler à la censure, à la destruction de l'oeuvre et nier la liberté de l'artiste, ça me fait franchement violence (mais est-ce que ce serait autant le cas si la peinture était raciste?); autant on ne peut pas nier la part de légitimité du malaise que ça a provoqué, l'appropriation culturelle et sa dimension oppressive n'étant pas un fantasme.
"l'histoire de l'esclavage et de la ségrégation est commune aux Noirs et aux Blancs américains" et "la souffrance est universelle"
c'est un peu la porte ouverte à des trucs comme "All lives Matters"
Le sujet n'est pas si simple en fait.
Autant appeler à la censure, à la destruction de l'oeuvre et nier la liberté de l'artiste, ça me fait franchement violence (mais est-ce que ce serait autant le cas si la peinture était raciste?); autant on ne peut pas nier la part de légitimité du malaise que ça a provoqué, l'appropriation culturelle et sa dimension oppressive n'étant pas un fantasme.
Ce qui est gênant dans la lutte des blancs contre le racisme (et le machisme) c'est qu'ils ne savent mettent en scène que la souffrance, que de victimiser les gens, et d'oublier le courage, la lutte. Mettre en scène les luttes est bien plus dangereux pour l'ordre sociale patriarcale et blanc, que de mettre en scène la mort, l'humiliation, comme cette pièce de théâtre ou l'esclavage etait vu seulement sous le prisme de la victimisation pas du courage de la lutte libératoire .
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En tant que Limousine (comme Pierre Desproges), je ne vous permets pas de nous dénommer Limougeauds.
Ma lutte et ma souffrance sont réelles ainsi qu'universelles mais c'est " A moi, à moi, à moi ! "
Si c'est uniquement " A toi, à toi, à toi ! ", tu peux crever, tout seul, dans ton coin à toi !
En très bref : pas loin du stade du miroir chez l'enfant entre 18 et 24 mois, l'enfant évite parfois ce miroir qui l'attire pourtant.
Si c'est uniquement " A toi, à toi, à toi ! ", tu peux crever, tout seul, dans ton coin à toi !
En très bref : pas loin du stade du miroir chez l'enfant entre 18 et 24 mois, l'enfant évite parfois ce miroir qui l'attire pourtant.
Belle chronique .Il y quelques années , certains avaient dit qu' Othello ( " Le Maure de Venise") ne pouvait être interprété que par un acteur arabe .Belle absurdité et incompréhension de ce qu'est un acteur.
Je n'ai pas pris le temps de chercher mais il faudrait voir de quels cercles militants vient cette histoire. La période Black Panthers a aussi eu ce genre d'attitudes et il faudrait voir où ça en est aux USA avec l'exacerbation identitaire d'autant plus que des milieux militants en France "s'américanisent", tendent à reproduire ces schémas même si ça aura plus de mal à prendre chez nous où le fond culturel s'oppose au communautaro-sectaire qui est commun là-bas.
Très belle chronique, merci monsieur Korkos.
Que je trouve la mort du père d'un ami triste et que j'exprime toute ma compassion c'est chose naturelle, mais je m'incruste dans son cercle familiale pour pleurer avec ses proches, c'est ce que veut dénoncer Hannah Black. Permettez juste aux raciséEs de définir eux mêmes les modalités de LEUR lutte, je ne suis pas noir, ni rom ni femme, ni...et je suis de toutes les luttes pour la légalité et la dignité humaine. Mais c'est à chacune des ces catégories que je viens de citer de me définir et de mener leur combat, ce n'est à moi de mener ce combat, et si un noir (un seul) me dit que ta façon de nous soutenir nous dérange, je cesserai d'agir de la sorte, question de respect. Oui, tout les hommes sont égaux, mon ami ressent la même douleur que moi lors de la perte d'un parent, mais cette douleur identique, ne s'extériorise pas de même façon d'une famille à une autre, mon ami me demande juste de s'abstenir de mettre en scène ma compassion. Il me demande de rester en retrait et c'est chose compréhensible.