Nos vies numériques - 5
Dans sa dernière chronique parue dans Libération, Luc Le Vaillant fait le récit amer et drôle des ravages causés par le numérique dans les métiers de la presse écrite, et bientôt, promet-il, dans ceux de l'Education : "bienvenue dans le monde merveilleux de la destruction numérique de valeurs. Valeurs que cette nouvelle société recréera certainement... Oui, mais lesquelles ?", s'inquiète-t-il. Peut-être que l'une de ces valeurs consiste dans une certaine réappropration du temps, et du libre-arbitre, dans l'expérience culturelle ; qui, si elle passe massivement par les écrans, ne nous enferme plus dans la dictature de la lucarne...
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Derniers commentaires
Bon. En v’là un deuxième.
j'ai aussi cette perception de libération par rapport à la lucarne.
La possibilité de voir des conférences (Chouart, Guillemin, Lepage, Lordon (merci à ASI pour ces 4 là), Michel Collon) à la maison permet de réaliser que c'est principalement un outil de propagande, de divertissement mais peu d'information.
Accrochés aux cordons d'écrans ombilicaux,
A cliquer, à cliquer, en singuliers échos,
Cigales jours et nuits dans nos vies suspendues ?
Tweets, sites, blogs, fora, études survendues,
Bavardages divers au milieu des logos,
Nous traînons dans les boues chaudes des marigots
Le sable de nos ans, et leurs bougies fondues,
Poursuivant la pépite, à défaut de l'étoile !
Car, prêtresse du web, vestale de la toile,
N'oublie jamais dans l'or de tes précieux papiers
Que le Dieu Internet, machiavélique maître,
S'ingénie, pour le prix de sa gloire, à nous mettre
Des ailes dans le dos, et des chaînes aux pieds.
"Mais TOUS LES RACISTES NE SONT PAS DES FANATIQUES. Si l'on veut pacifier le monde, il me semble important de garder son sens du DISCERNEMENT et éviter de diaboliser tout le monde : la plupart des racistes, des antisémites, des phallocrates, des homophobes, etc. le sont modérément et peuvent encore changer d'avis, si on prend le temps de parler, d'argumenter, de démontrer (au lieu d'agresser et d'insulter)." (typographie garantie d'origine - source)
Un artiste, vous dis-je, un artiste. Sur la forme. Par contre le fond de l'air effraie un peu, mais bon. En même temps force m'est de reconnaître que je suis modérément anti-chouard.
Merci pour cette "Danse contre Powerpoint", boulversante.
Lordon critique le concept de Common decency, accuse son caractère vague, et pointe avec raison les faiblesses intellectuelles et les problèmes politiques qui en découlent.
Je ne peux cependant souscrire entièrement à l'argument : l'incertitude quant au contenu du concept en disqualifierait les usages politiques, sinon l'existence même. Lordon réagit ici en posivitiste : toute échange ne pourrait reposer que sur une définition exacte, précise, des notions discutées. Il rejoue là un débat mille fois rebattu, entre les positivistes et les autres.
D'un côté Moritz Schlick, de l'autre Canguilem, d'un côté Wittgenstein de l'autre Kant, la comédie se rejoue à l'infini.
Cela me fait penser à un passage du Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes, fable consacrée à la "qualité" comme élément premier du monde, par opposition à la "quantité" (morale/raison ; discontinuité/continuité etc.). Il y reconnaît que la qualité est indéfinissable, qu'il est impossible d'en donner une définition précise. Pourtant chacun sait qu'elle existe, chacun la reconnaît.
Un professeur corrigeant une copie pourra inventer tous les barèmes du monde, il peinera toujours, in fine, à expliquer pourquoi, entre deux copies remplissant les critères requis, une est meilleure que l'autre. L'impression, l'intuition, la sensibilité, quelque chose nous échappe, mais discrimine le bon du meilleur, le juste du moins juste. Bien sûr c'est conceptuellement faible. Certains, comme Rutherford, argueraient que "qualitative is nothing but poor qualitative". J'ajouterais simplement que le monde ne peut se découper en tranches et nous partageons tous des intuitions morales. D'où viennent elles ? de quoi sont-elles le produit ? Faut-il dire qu'elles n'existent pas parce qu'il est impossible de les mesurer, qu'elles sont ineffables ?
Si j'admire le caractère opératoire de la démarche positiviste je suis chaque fois attristée de voir qu'il en résulte un monde où seul le rapport utilitaire (=quantifiable) a sa place. Je suis certaine que Lordon n'assumerait pas l'héritage que je lui prête. Un raisonnement conséquentialiste l'impose pourtant. Enfin je crois.
Heureusement qu'il y a la vraie vie, au moins on y traite pas Taubira de gueunon. Ah si ?
Tout va bien.
Relire Mallarmé peut-être (entre autres).
http://iiscn.wordpress.com/about/
Ca nous a remonté quelque peu le moral.
Mais on voulait une ode à Thierry Meyssant
Ou alors quelque amitié à Alain Soral.
Ce qui me semble fascinant chez certains intellectuels de gauche* (notamment à tendance populiste), c'est le hiatus qui existe entre le degré d'exigence et d'intolérance à la médiocrité qu'ils ont du s'auto-infliger pour devenir des intellectuels d'une part, et la tolérance molle envers la médiocrité qu'ils dispensent à longueur de prestation démagogique d'autre part. En dehors des papiers de Judith Bernard qui malheureusement deviennent chaque jour plus caricaturaux, on pourrait se pencher de nouveau sur la fin de carrière de Pierre Bourdieu, et en particulier sur cette pantalonnade qui prit place dans une salle du Val-Fourré et dont nous devons l'immortalisation à Pierre Carles.
Petit pot pourri concernant le nouvel ami de Judith:
"Thierry Meyssan dit là des choses que je trouve intéressantes et qu'on ne lit pourtant presque jamais."
"J'ai moi-même rencontré Thierry Meyssan (cet été) et nous avons parlé quelques heures.
Je confirme que c'est un homme charmant, calme et cultivé, rigoureux dans ses analyses, très convaincant sur une série de sujets qu'il connaît parfaitement."
"quand même on peut pas nier que Soral est un patriote et qu'il est tout sauf d'extrême-droite" (article Ruffin)
"Fakir : Vas-y, Kamel, raconte-lui ta rencontre avec Alain Soral.
Kamel : L'an dernier, tu sais, Soral est venu à Marseille. Comme il attire vachement de jeunes dans les quartiers,
comme mon petit frère était sous son charme, je suis allé l'écouter. Y avait plein de mecs avec des djellabas, des
barbes, les filles avec le voile, et là Soral leur dit en gros : « Si vous êtes dans la merde, c'est à cause d'un banquier
sioniste à New-York. » Moi j'ai pris la parole, après, et je lui ai demandé pourquoi il indique « sioniste » ? pourquoi il
dit pas un « capitaliste », un « oligarque » ? Et là, il m'a répondu qu'il fallait appeler un chat un chat.
Étienne Chouard : C'est pas raciste. Il ne dit pas « Juif », il dit « sioniste ».
Fakir : Est-ce qu'il a précisé, dans son exposé, qu'il ne fallait surtout surtout surtout pas confondre « juif » et «
sioniste » ?
Kamel : Non, il n'a rien précisé.
Fakir : Mais Étienne, comment tu penses que c'est reçu, dans la salle ? Tu penses qu'ils donnent dans la nuance,
les mecs ? Moi, pendant que je faisais mon bouquin Quartier nord, à Amiens, y a plein de gars qui me prenaient pour
un juif à cause de mon gros pif, et c'était pas amical crois-moi.
Étienne Chouard se tait, frappé" (Article Ruffin)
son profil inclassable, indomptable, et vaguement incorrect.
Il me semble que sa méthodologie de """"travail"""" n'est pas en reste par rapport à son profil, en ce qui concerne l'incorrection!!!!
*Il va sans dire que le terme d'intellectuel ne se réfère pas à Chouard.
Il y a un plan ou c'est open ?
Pour ce qui est de la communion, moi qui ai déjà était dans un stade de foot ou de rugby, je m'interroge sur la différence du "niveau" de communion ressenti avec quelques dizaines de milliers de spectateurs par rapport à celle ressentie face à ce vieux monsieur qui parle dans mon ordi un langage qui me touche bien plus. Si communier c'est se sentir proche, faut il pour autant était proche dans l'espace, et dans le temps en l’occurrence.
Pour ce qui est du spectacle, il me semble que les conférences de Guillemin sont pensées pour être plus que des conférences. Le ton, le discours, la conclusion... Je pense que Guillemin ne se contentait pas de lire un discours, mais cherchait aussi à l'habiter et à faire partager une émotion. Je ne vois donc pas la différence que l'on pourrait faire avec un spectacle.
Cependant, deux "critiques" de fond :
- dans le "on", on perçoit plutôt le "je". Il me semble que vous décrivez votre expérience personnelle du numérique, pas un "on" généralisant. Par exemple, quand vous dîtes "Pour tout ce qui est artistique l’écran numérique est une source d’information – pas tellement de consommation", vous passez sous silence les séries, visionnées ("consommées") massivement derrière un écran d'ordi, et qui sont, du moins pour certaines, de véritables "créations" dramatiques (je ne sais pas si on peut parler d'"Art"). Plus généralement encore, le cinéma est aujourd'hui "consommé" massivement via des plateformes de streaming, ce qui met en question la diffusion de cet Art (pour le coup) et sa perception (combien de personnes ne vont plus au "cinéma" et se contentent de cette image cradée ?).
- vous ne répondez pas trop à la question de Luc le Vaillant. Moi ce qui me frappe aujourd'hui, c'est que le "filtre" numérique est individualiste (MON réseau social) et qu'il met en jeu la question du "vivre ensemble", l'existence d'une culture partagée. A la machine à café, on ne parle plus, je crois, de la l'émission de télé vue la veille, mais plutôt de la dernière série téléchargée (mais que l'interlocuteur n'a vu ou ne verra pas forcément, il fera son choix dans la multitude des propositions "personnalisées" qu'il aura sous la main). L'Art "vivant", la rencontre, le rendez-vous autour d'une "scène" sont effectivement des réponses effectives à ce risque de perte du lien. Mais on ne vit pas tous à Paris (je visionne et j'écoute des concerts sur Arte Live Web...) et il me semble qu'une grande part des "pratiques culturelles" sont aujourd'hui réalisées seul, devant son ordi.
Prendre le temps de vivre. Voila ce que le numérique mal utilisé nous empêche de faire. Parce que si l'on prendre le temps de vivre, on prend le temps de penser. Et de se demander si tout cela fait sens. Et de constater que notre société consommatrice n'a pas de sens. A part celui de nous exploiter tous pour le profit de quelques uns.
J’ai bien aimé votre chronique. J’ai tout de suite eu l’envie de vous le dire et d’envoyer un commentaire dans ce sens sur le forum, comme il m’arrive de temps en temps. Mais, comme à l’habitude je m’y suis prise trop tard. Le temps que je me retourne, il y avait déjà je ne sais combien de personnes qui, de fil en aiguille, s’étaient mises à discuter avec vigueur en abandonnant ce qui me semblait être le cœur de cette chronique, c’est-à-dire nos comportements aux uns et aux autres face à internet. C’était pourtant un joli sujet. Comment on peut butiner, comment on peut s’instruire, s’informer, voyager sur internet, comment on peut s’intéresser à trois choses à la fois… Je n’ai pas pris votre chronique comme une incitation à avoir les mêmes maîtres à penser que vous, mais bien plutôt comme une occasion de réfléchir à nos pratiques à tous.
J’ai bien aimé aussi la fin de votre chronique, dans laquelle vous concluez qu’au fond, internet ou pas, vos goûts restent les mêmes, que ce sont les mouvements, que c’est le spectacle, qui vous touchent profondément, ce qui ne manque pas d’être rassurant. Comme je n’ai pas les mêmes passions, je me suis retrouvée à suivre un autre fil : après avoir regardé la « Danse contre Powerpoint » de John Bohannon, je me suis rendu compte que c’était le même John Bohannon qui est journaliste dans Science et avait écrit récemment un article ayant eu des échos dans la presse internationale. Sylvestre Huet l’a repris dans son blog sous le titre : « Open Access : du rêve au cauchemar ». Je comprends bien que cette histoire-là, vers laquelle votre chronique m’a conduite, est bien loin de ce qui vous émeut mais probablement pas de ce qui vous intéresse. Car là aussi on peut retrouver la mondialisation, le libéralisme et les bénéfices colossaux, l’indignation et la prise de conscience de la communauté scientifique…
Comme il y a une sorte d’accalmie sur le forum je retiens ma respiration et me lance, tout en m’excusant auprès de tous les contributeurs dont je n’ai pas lu assez attentivement les interventions.
merci.
gamma
gamma